Migrations et réalités quelques repères
L'école
Il est évident qu'une nouvelle politique de l'habitat aurait des conséquences heureuses sur l'école qui pourrait mieux jouer son rôle de lieu d'intégration, car l'école reflète largement les difficultés du quartier où elle est implantée. Vingt ans de mise en œuvre de la sectorisation des collèges font qu'il y a des différences très fortes entre les établissements ; il y a les bons et les mauvais. Il y a les parents qui réussissent à choisir un établissement pour leurs enfants ; il y a ceux qui n'ont que “ les restes ”. Il y a les collèges où “ l'espérance de vie sociale” est durable et forte, il y a ceux où elle est étriquée et débouche sur des emplois bas de gamme ou le chômage. La création des ZEP en 1981, pour nécessaire qu'elle fût, n'a pas mis fin à cette ségrégation scolaire qui aggrave (et concourt à) la ségrégation par l'habitat (la qualité de l'environnement scolaire est souvent un critère important de choix du lieu de résidence pour ceux qui le peuvent).
Associations, mouvements et citoyenneté
Le relatif pessimisme des rubriques précédentes doit ici être tempéré par une forte note d'optimisme. Le lien social est loin d'être absent des cités, et c'est à la présence des associations, nombreuses, qu'on le doit. Et l'on y trouve aussi d'admirables solidarités de voisinage, souvent plus fortes que dans bien des quartiers “bourgeois”: les prêtres et religieuses notamment, qui y travaillent, en témoignent.
Depuis 1982, les étrangers peuvent créer des associations sans autorisation préalable. Cela a permis la floraison d'un grand nombre d'associations, surtout de caractère culturel lié à l'origine ethnique. Souvent ces associations communiquent peu entre elles. Le véritable intérêt pour le lien social et l'intégration réside surtout dans les associations généralistes où Français et immigrés se retrouvent pour travailler ensemble et qui peuvent servir de relais pour les relations avec les pouvoirs publics, singulièrement avec les municipalités. Dans la mesure où les municipalités l'acceptent, elles peuvent être l'instrument de la mise en place d'une véritable démocratie participative (pour les Français d'origine comme pour les immigrés) au plus près des réalités quotidiennes. Cela est peut-être encore plus important pour donner une citoyenneté aux étrangers que de leur donner le droit de vote aux élections locales (encore que ce droit leur soit reconnu chez beaucoup de nos voisins). Il faut aussi citer les associations qui gèrent des activités culturelles, sportives, des entreprises d'insertion, des régies de quartier en lien avec les pouvoirs publics (et avec leurs subventions).
Terminons enfin par le travail fait par les mouvements de jeunesse, chrétiens ou non, en direction des jeunes migrants des cités. Ces mouvements sont pour eux des lieux d'accueil et leur donnent aussi une formation extrascolaire qui favorise leur intégration et même éventuellement une vie professionnelle. Les filles y trouvent des possibilités d'épanouir leur aspiration à la liberté dès leur plus jeune âge. Pour les plus jeunes, il est important d'associer les familles, leur confiance est nécessaire.
Identité nationale, laïcité et dialogue interreligieux
La France a une identité dont elle n'a aucune raison d'avoir honte. Mais elle doit se rappeler que cette identité ne s'est pas construite en un jour et qu'elle ne cesse d'évoluer. Aujourd'hui s'affichent des identités neuves dont l'affirmation transforme la définition même de l'identité nationale, et avec elle l'ensemble des rapports du religieux, du culturel, du politique et du social tels qu'ils sont historiquement constitués dans notre pays. La présence d'une forte minorité musulmane est un élément majeur du problème ainsi posé. Mais plus d'un trait du catholicisme en évolution importe aussi. L'éthique républicaine traditionnelle a tendu, de plus, à se réduire à l'autonomie sans contenu du sujet citoyen.
L'imprégnation culturelle de la société française par le christianisme en sa forme traditionnelle a beaucoup diminué. Mais on assiste, en plus d'un cas, à l'émergence d'une nouvelle catégorie de croyants. La figure du “ converti ” qui assume son choix d'une foi personnelle cohabite de plus en plus avec celle du pratiquant régulier traditionnel.
D'un autre côté, la situation présente de l'islam en France est marquée par la sédentarisation définitive des familles dans le pays d'accueil et l'arrivée à l'âge adulte de générations nées en France. L'intérêt que ces générations montantes montrent pour la religion ne constitue pas d'abord un retour à l'islam de leurs parents (qu'ils connaissent peu), mais aboutit à la construction d'une identité musulmane originale dans le monde moderne et à la revendication de vivre publiquement et collectivement un islam qu'elles s'approprient comme une dimension fondamentale de leur identité culturelle et sociale. Cette démarche, se produisant dans une France “ pays laïque de culture catholique ”, contribue à la mutation de la synthèse identitaire française dans toutes ses dimensions : religieuse, culturelle, sociale et politique.
Il est capital que se développe la dimension d'accueil pluraliste au sein de la laïcité française. Il convient de se garder d'a priori qui interdiraient des évolutions souhaitables, par exemple de laisser entendre que la pensée islamique est et demeurera en tout cas incompatible avec la laïcité.
Le dialogue interreligieux peut être un apport décisif à l'intégration même des diverses religions dans la société laïque, permettant leur contribution au renouvellement du contrat social et de l'identité nationale. La contribution des grandes familles religieuses à cette nouvelle synthèse culturelle est directement fonction de leur capacité à dialoguer entre elles.
Ce dialogue a certes beaucoup d'obstacles à surmonter : un immense contentieux historique qui pèse encore sur les relations entre l'islam et l'Occident ; également l'existence actuelle de pays où se sont imposés des régimes dits “ religieux ” avec la rigueur fondamentaliste que l'on connaît. On peut cependant nourrir l'espoir que ce dialogue soit possible et fructueux grâce à la naissance d'un islam européen en contexte de laïcité pluraliste, comme à la déclaration de Vatican II sur la “ liberté religieuse ” qui reconnaît à chaque communauté religieuse le droit d'avoir les moyens nécessaires à sa pratique et peut, au-delà, être considérée comme la première pierre vers la construction d'une théologie du pluralisme religieux lui-même qui n'est pas un syncrétisme.
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