Proprio Motu

Proprio motu : de son propre chef. De son propre chef, le Pape François bouscule nos conforts, nos certitudes, et pas seulement les nôtres : il y a quelques jours c’est aussi en Hongrie, en Slovaquie, qu’il a analysé, admonesté à propos des migrants et des Roms, ou plus largement en parlant de l’Union Européenne. Il nous oblige à évaluer nos problématiques, nos choix politiques et sociaux à l’aune des priorités chrétiennes. Tentation de réinventer un instrument politique chrétien ? Non la parole du Pape est beaucoup plus déstabilisante pour chacun d’entre nous  : il nous oblige à des examens de conscience politique, individuels et collectifs. La réception de l’encyclique Laudato Si montre que l’analyse du lien existentiel entre la planète et l’homme a porté. Fratelli Tutti n’a pas – pas encore – provoqué la même réaction, comme si la fraternité était une évidence, alors même qu’explosent les inégalités entre pays riches et pays pauvres, et à l’intérieur des sociétés.

Les prises de paroles du Pape à l’occasion d’un voyage, d’un anniversaire, d’un événement, et ces textes qui portent le nom respectable d’«encycliques» doivent nourrir le débat public. Il faut que les chrétiens s’expriment pour dire leur réception de ces paroles, en proposer une lecture pratique, expliquer ce qu’ils en tirent pour leurs choix de vie, leurs choix politiques. Ces réactions sont, seront, hétérogènes, et le débat entre chrétiens, entre catholiques, doit se nourrir de notre fidélité à la doctrine sociale chrétienne et de nos divergences d’analyse d’une situation. Ce débat-là doit être public et partagé, et les chrétiens doivent s’exprimer plus fort qu’ils ne le font sur leurs engagements.

La lecture de la presse de ces dernières semaines a permis de suivre un débat, une polémique, entre catholiques. Mais c’est à propos du Motu Proprio «Traditionis custodes», une lettre apostolique qui dit le droit sur la liturgie, ce service rendu au bien commun, et qui régule étroitement la possibilité d’utiliser le rite préconciliaire. Les mots ont été vifs, les plus hautes autorités de l’Eglise ont été priées de s’exprimer, des refus de prendre en compte ce Motu Proprio ont été publiés, et nul plafond de verre qui empêcherait de débattre d’une parole chrétienne n’a été constaté : la presse généraliste a analysé, commenté, instrumentalisé les positions et nourri la polémique.

« en faire un sujet de polémique publique me semble relever d’un nombrilisme choquant : le monde a besoin d’une parole chrétienne, non pour parler de nos rites, mais pour parler des défis posés par le monde à notre foi. »

Catholiques mes frères, un peu de pudeur. Oui le rite ancien, dit de Saint Pie V, et l’utilisation du latin, peuvent rappeler aux plus anciens d’entre nous des moments émouvants ; oui la place de telle prière, de tel mot, de tel geste, reste à travailler en communauté pour que la liturgie nous réunisse ; mais en faire un sujet de polémique publique me semble relever d’un nombrilisme choquant : le monde a besoin d’une parole chrétienne, non pour parler de nos rites, mais pour parler des défis posés par le monde à notre foi.

Philippe Segretain, membre du Conseil des SSF

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