Dimanche 16 novembre 2025, Eglise Sainte-Eulalie à Bordeaux
Par Mgr Jean-Paul James
Violences, destructions, chaos… La semaine dernière, nous avons revu les images des attentats du Bataclan à Paris ; la semaine dernière, un groupe de journalistes français a pu entrer dans Gaza et filmer un paysage de ruines ; la semaine dernière, en lien avec la COP 30, nous avons vu des tonnes de déchets qui transforment notre maison commune en poubelle. Et les victimes sont nombreuses. Non, pas besoin de beaucoup d’imagination pour actualiser l’Evangile d’aujourd’hui ! Mais un mot lumineux du Christ pour ce temps chaotique : persévérance. « C’est par votre persévérance que vous garderez votre vie » (Lc 21,19). Un mot lumineux et des hommes et femmes de bonne volonté, des croyants comme vous (qui avez le courage de vous lever bien tôt pour cette eucharistie !) qui la vivent. La persévérance est cette dignité du cœur qui refuse de se résigner face à l’adversité. La persévérance du chrétien n’est pas une attente passive et naïve. La persévérance est une ténacité active, intelligente, inventive, votre attitude à vous membres des Semaines Sociales. Persévérance dans le discernement, persévérance dans l’amour.
Oui, persévérance dans le discernement. Membres des Semaines Sociales, vous êtes riches d’une longue histoire, commencée après la publication de l’encyclique « Rerum novarum ». Et vos échanges, vos réflexions ont apporté la lumière de l’Evangile, de l’enseignement de l’Eglise, dans les réalités sociales de notre pays, la vie des entreprises, la vie économique et sociale. Vous êtes habités par une conviction répétée lors du Concile Vatican II : « La foi éclaire toute chose d’une lumière nouvelle et nous fait connaitre la volonté divine sur la vocation intégrale de l’homme » (GS 11,1). Devant les fascinations et inquiétudes provoquées par l’Intelligence Artificielle, outil nouveau, vous vivez cette persévérance dans le discernement, en considérant la personne humaine, sa dignité, sa grandeur. Comme le faisait remarquer en son temps, Georges Bernanos : « le danger n’est pas dans la multiplication des machines, mais dans le nombre toujours croissant d’hommes habitués, dès l’enfance, à ne rien vouloir de plus que ce que les machines peuvent donner » ( Antiqua et nova n°112). Eh bien justement vous proposez une autre attitude : non pas la passivité, mais la persévérance dans le discernement, nous mettant à l’écoute, comme ce matin, de Celui qui dans les épreuves, les chaos de l’histoire, nous fait la promesse de Sa présence, d’une sagesse et d’un langage nouveaux qu’Il nous communique. Oui, vous puisez dans les trésors de l’enseignement social de l’Eglise pour trouver des critères de discernement devant ces nouvelles techniques : « la question essentielle et fondamentale, écrivait Jean Paul II dans son encyclique sur le Rédempteur de l’homme, reste toujours de savoir si l’homme en tant qu’homme, dans le contexte de ce progrès, devient vraiment meilleur, c’est-à-dire plus mûr spirituellement, plus conscient de la dignité de son humanité, plus responsable, plus ouvert aux autres, en particulier aux plus nécessiteux et aux plus faibles, plus disposé à apporter de l’aide à tous » (n°109).
Persévérance donc aussi dans l’amour fraternel, dans l’amour des plus fragiles de nos frères pour vivre les défis du monde nouveau. Aujourd’hui, c’est la journée mondiale des pauvres. Cette journée est le fruit d’une rencontre entre le Pape François et Christian, SDF, que j’ai eu la joie de connaitre. Il était parti à Rome avec le mouvement fratello à l’occasion de l’année de la miséricorde et avait préparé un petit discours. A ma stupéfaction, Christian obtient de dire son message au Pape : « J’ai connu la rue pendant plusieurs années, je suis malade schizophrène et le Bon Dieu a toujours été auprès de moi ». Persévérance de Christian dans la foi au milieu des galères. Et puis il conclut : « Depuis quelque temps, je fais partie d’une chorale, « au Clair de la rue » pour animer les sépultures de nos amis de la rue enterrés tout seuls. Maintenant la « Chorale de la rue » est une espérance car même les plus oubliés sont enterrés dans la dignité ». Et le Pape est touché ; il le dit lors de l’audience suivante : à travers Christian, c’est Dieu ami des pauvres et des petits qui se révèle à lui ; alors François institue cette journée pour stimuler nos communautés, dans l’accueil des plus fragiles. Car c’est avec eux que nous discernons pour demain, c’est avec eux que nous relevons les défis de demain. « Une Eglise qui ne met pas de limites à l’amour, qui ne connait pas d’ennemis à combattre, mais seulement des hommes et des femmes à aimer, est l’Eglise dont le monde a besoin aujourd’hui » ( Pape Léon XIV, Dilexi te n° 120 ). Merci frères et sœurs des semaines sociales de France, d’être de ceux-là. Amen.