En ayant pour titre : « l’entreprise, objet d’intérêt collectif », le rapport établi récemment par Nicole Notat et Jean-Dominique Senard à la demande de Bruno Lemaire, prend acte du fait que l’entreprise est un acteur politique.
C’est un acteur politique dans la mesure où elle salarie, dans un lien de subordination, des personnes qui vivent une large partie de leur temps en son sein, elle organise donc le « vivre ensemble » de cette communauté, en impactant également le « vivre ensemble » de ses parties prenantes externes (clients, fournisseurs, territoires, …) et pour terminer elle a souvent de par sa taille une capacité d’influence sur les états et leurs élus (lobbying…).
Qu’elle veuille ou non, l’entreprise est donc un acteur politique en son sens le plus large, celui de civilité ou Politikos. Un acteur dont l’influence sur l’organisation de la cité et donc sur le bien commun est devenu au fil du temps, mondialisation aidant, incontournable voir voire prééminente dans certain état.
Cette dimension politique de son activité doit nécessairement conduire l’entreprise à réfléchir sur sa « raison d’être ». Dans cette perspective, la performance économique, vu trop souvent aujourd’hui comme finalité ultime, passe alors d’objectif en tant que tel à objectif au service de la « raison d’être ». Nous sommes ici au cœur du rapport de N Notat et JD Senard : « Chaque entreprise a donc une raison d’être non réductible au profit. C’est d’ailleurs souvent lorsqu’elle la perd que les soucis financiers surviennent »
Tout ceci n’est pas totalement nouveau, surtout en France. Nombre d’entreprises ont déjà compris, par nécessité ou par conviction, que la performance économique comme seul objectif ne pouvait suffire, en témoigne par exemple le fait que le concept de RSE (Responsabilité Sociale et Environnementale) gagne chaque jour du terrain.
Ce qui est nouveau, c’est la volonté exprimée par les auteurs du rapport d’inscrire dès maintenant cette « conviction » dans le code civil pour ainsi donner à toutes les entreprises l’opportunité de définir leur « raison d’être » et ainsi prévenir des comportements financiers court-termistes et dommageables à la société et à son environnement.
L’article 1833 du code civil – inchangé depuis 1804 ! – serait donc complété de la façon suivante : «[…] La société doit être gérée dans son intérêt propre, en considérant les enjeux sociaux et environnementaux de son activité. »
Dans la logique de ce raisonnement le rapport préconise de revoir la composition et le rôle du conseil d’administration en lui donnant d’une part une responsabilité sur la définition et le suivi de la mise en œuvre de la « raison d’être » et d’autre part en donnant aux représentants des salariés une place significative dans les conseils. De plus, le rapport insiste sur la nécessité de mettre en place des comités de parties prenantes indépendants du conseil d’administration, chargées « de fournir aux dirigeants une prise de recul, une vision complémentaire sur les activités de l’entreprise, ainsi qu’un aiguillon de progrès en matière de RSE ».
Ce rapport et l’opportunité dans le contexte mondialisé actuel des propositions qu’il contient a largement été salué par la presse et soutenu par bon nombre d’acteurs de la société civile. Il doit servir de base à l’élaboration de la loi PACTE sur la modernisation de l’entreprise qui sera présentée au parlement mi Avril 2018.
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Par Geoffroy de Vienne – Rédacteur des SSF