Religions, interreligieux et développement

Samedi 3 Octobre 2015 – Religions et cultures, ressources pour imaginer le monde – 90ème session.

La mondialisation amène les religions à cohabiter, à se découvrir mutuellement. L’expression plurielle des religions est plus manifeste, l’interreligieux davantage mis en oeuvre. Des collaborations se développent. Un dialogue devient plus nécessaire que jamais. Ce dialogue est au cœur de l’action de l’association Coexister et de la fondation Adyan que préside Fadi Daou, prêtre libanais.

Fadi Daou : Quand je suis arrivé en France en 1996, juste après avoir été ordonné prêtre, j’ai été envoyé comme prêtre Fidei donum pour servir une paroisse française. J’ai par hasard trouvé une épicerie marocaine, j’entre et je dis : « Salam aleikum. » On discute un peu et l’épicier me questionne : « Je ne te vois pas à la mosquée. » Je lui réponds : « Je suis prêtre. » Il était interloqué. Arabe et prêtre, ça n’allait pas très bien ensemble.

Le dimanche suivant, je célébrais ma première messe selon le rite latin. J’ai vu dans le missel que, normalement, on ouvre la célébration par la formule : « Le Seigneur soit avec vous. » Mais dans la liturgie maronite, ma tradition d’origine, on dit : « La paix soit avec vous. » Alors j’ai tout simplement considéré que je pourrais maintenir l’expression que je préfère et commencé par : « La paix soit avec vous. » Après la messe, certains paroissiens se disaient entre eux : « Mais ce n’est pas un prêtre qu’on nous envoie du Liban, c’est un évêque. » Je ne savais pas en effet que cette formule liturgique était réservée ici aux évêques.

Ainsi, ma première remarque introductive est de constater combien il est incroyable que le plus universel des mots, « la paix », puisse devenir le plus spécifique, prenant un aspect identitaire voire exclusiviste. La « paix », salam, est un mot réservé pour ce jeune marocain non seulement à un arabe, mais aussi à un musulman. Et pour les chrétiens de tradition latine, c’est un mot réservé aux évêques.

On se demande alors comment on peut si facilement tomber dans le communautarisme, la polarisation des mots, des idées, et donc dans les conflits. Comment l’identité/l’identification religieuse peut mener sur un chemin tout à fait opposé à l’idée développée cette année par les SSF : « Religions et cultures, ressources pour construire la paix, pour le développement de nos sociétés ».

Religions et conflits. Des relations à double sens

Tous nos problèmes ne viennent pas des religions certes. Mais un certain nombre quand même. Je suis originaire du Moyen Orient – du Liban plus précisément – où un nombre important de problèmes, s’ils ne proviennent pas directement des religions, parviennent à utiliser la religion ou le discours religieux pour légitimer le conflit. C’est d’ailleurs de plus en plus souvent le cas. Pas seulement au Moyen Orient. Beaucoup de conflits trouvent leur origine dans les questions du sous-développement, de l’injustice sociale, internationale, etc. Mais on observe une tendance chez les politiques à « coller » les problèmes aux religions.

Quelques exemples :

  • La situation en Irak : il ne s’agit pas simplement d’un conflit entre chiites et sunnites ; c’est aussi le résultat de la volonté de démocratiser l’Irak par les « tanks » ;
  • La question de la Palestine : elle ne se résume pas à un conflit entre juifs et musulmans, c’est aussi le problème d’une injustice internationale ;
  • Le problème en Syrie : il relève moins de la religion que d’un despotisme illimité et d’une démission inacceptable de la « communauté internationale » de sa responsabilité éthique envers la paix et la protection des populations menacées

[…]

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