Dossier Europe

Réfugiés : Appel à la fraternité européenne, maintenant

Après la fin de la guerre froide nous avons tous dit : « Plus jamais de murs ! ». Et pourtant, à Lesbos en Europe, il y a encore des murs qui enferment. Une Europe qui se trahit elle-même. Ce mur est quasi infranchissable : ces femmes, ces hommes, ces enfants qui n’ont plus rien en sont réduits à dormir dans les cimetières ! Lesbos a brûlé. Ils sont 13 000 – dont 40% mineurs – à se retrouver sans toit et sans espoir. C’est une foule sans nom oubliée par notre continent qui se dit berceau de la civilisation. Ce sont pour la plupart des familles qui ont fait des voyages longs et très risqués pour fuir la guerre ou des situations insoutenables. Ils proviennent en grande partie d’Afghanistan et de l’Afrique sub-saharienne. Ils sont là depuis des mois, des années pour certains. En eux grandissent le désespoir, la peur et l’incompréhension. Leurs conditions de vie sont d’une extrême précarité.

« Une visite ne suffit pas, nous devons faire plus », disait le pape François après sa visite à Lesbos. Pour donner suite à cet appel, nous sommes nombreux, jeunes et adultes de la Communauté de Sant’Egidio provenant de divers pays européens, à avoir passé les trois derniers étés à Lesbos, des « vacances alternatives » avec les réfugiés. Nous n’acceptons pas cette injustice et nous voulons soutenir les réfugiés en montrant que l’Europe n’est pas seulement celle des murs. Nous voulons réagir, faire quelque chose. Ainsi nous avons organisé des points de restauration, des temps d’animation et d’école pour les enfants, des fêtes, des cours d’anglais pour les adolescents, des ateliers de confection et distribution de masques fabriqués par les femmes des camps. Nous pouvons témoigner de leur soif d’apprendre, de leur soif de dignité et d’avenir.

Les images des flammes brûlant ce camp – que nous connaissons bien – nous ont bouleversés et révoltés ! Nous pensons à ces personnes qui rêvent d’un futur meilleur, d’un futur de paix. Nous ne pouvons pas accepter que notre société ait oublié les mots fraternité, solidarité, égalité ! Comme citoyens européens nous ne pouvons pas rester indifférents. « Ces flammes ont réveillé nos consciences » et aussi « les institutions », comme l’a écrit Andrea Riccardi fondateur de la Communauté de Sant’Egidio le 18 septembre 2020. L’Union européenne n’a-t-elle pas un rôle important sur le plan diplomatique et n’œuvre-t-elle pour la stabilité, la paix, la sécurité et la prospérité, la démocratie, les droits fondamentaux et l’état de droit au niveau international ? Comment pouvons-nous nous appeler Européens et défenseurs des droits de l’homme quand tant de douleurs se bousculent à nos portes ? L’Europe, si elle est encore à la hauteur de sa tradition de civilisation et d’humanité, doit les accueillir en posant un acte de responsabilité collective.

D’ici là, pour affronter l’urgence de ces heures, Sant’Egidio, avec le Jesuit Refugee Service et les sœurs missionnaires de Saint-Charles-Borromée, a lancé un appel à tous les pays de l’Union européenne afin que soient accueillis de manière urgente les réfugiés qui ont tout perdu dans l’incendie du camp de Moria. Simultanément nous demandons que soit garanti sur l’île le libre accès aux associations humanitaires pour secourir les migrants dans leurs besoins les plus immédiats, notamment à l’égard des malades, des femmes et des enfants, des personnes âgées. Qu’ils puissent être hébergés dans des petites structures respectueuses de la dignité humaine, en sauvegardant le droit de chaque réfugié, de quelque provenance que ce soit, à demander l’asile.

Il est temps que des décisions soient rapidement prises pour sauver les personnes les plus vulnérables. Retarder ou faire comme si de rien n’était serait une faute grave pour un continent qui est symbole de respect des droits de l’homme. Il est heureux que l’Allemagne comme la France et d’autres pays d’Europe aient décidé d’accueillir les mineurs non accompagnés provenant de Lesbos. On peut faire plus : pourquoi ne pas ouvrir un nouveau couloir humanitaire à l’image de ceux que Sant’Egidio met en œuvre depuis 2017 en France et qui ont déjà accueilli 500 personnes en provenance des camps de réfugiés syriens au Liban ? L’histoire nous donne rendez-vous. Pour rompre avec la culture de l’indifférence nous avons besoin d’une révolution de la fraternité qui concrètement puisse créer des ponts pour sauver ceux qui n’ont plus rien.

Valérie Régnier, Responsable Sant’Egidio-France et administratrice des Semaines sociales de France

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