Dans une campagne des législatives qui touche à sa fin et qui suscite un intérêt médiatique et citoyen modéré, on parle principalement de pouvoir d’achat, de guerre en Ukraine, de tensions à l’hôpital…
Mais un sujet qui est devant nous, telle une bombe à retardement, passe relativement inaperçu, alors qu’il devrait tous nous interpeller, société civile et politique : la pénurie de main d’œuvre dans les métiers du soin, du social et du médico-social.
Dans les Ehpad, à domicile, dans les structures d’accueil de l’aide sociale à l’enfance, des personnes en situation de handicap… on ne trouve plus de candidats, la crise des vocations est réelle.
Pourtant, fondamentalement, qu’y a-t-il de plus beau que de prendre soin des personnes vulnérables? Sauf que ces emplois sont mal payés, peu connus, pas assez valorisés socialement… AESH, aides-soignants, éducateurs spécialisés, infirmières, assistants sociaux, familles d’accueil… les écoles de formation peinent à attirer des candidats. On pourrait objecter que de nombreux secteurs économique font également face à des pénuries de main d’œuvre (bâtiment, industrie etc.), mais cela est plus grave quand il s’agit des hommes et femmes qui vivent avec nous.
Quand, demain, nous n’aurons plus personne pour prendre soin de nos aînés, de nos enfants handicapés, des enfants placés, il nous restera un sentiment d’impuissance et d’amertume, et des personnes laissées à l’abandon, leur dignité bafouée. Les innovations technologiques, domotiques, robotiques, pourront peut-être apporter une partie de la réponse, mais ne diminueront pas le sentiment de solitude et d’abandon que ressentent tant de personnes.
Les pouvoirs publics commencent à prendre la mesure du drame qui se prépare, et des initiatives existent, mais la revalorisation de certains métiers dans le cadre du Ségur de la santé a laissé de nombreux oubliés dans ces secteurs et engendré de vives frustrations chez les professionnels dont les situations n’ont pas été revalorisées.
Pour les chrétiens, que faire ? Nous le croyons, toute vie humaine est digne et mérite que l’on s’y intéresse. Elevons nos voix vers nos décideurs, les candidats, rejoignons des collectifs, interpellons le gouvernement, rendons-nous attentifs aux besoins des personnes, racontons un autre récit aux jeunes générations : oui, se consacrer professionnellement à l’accompagnement des fragilités humaines a du sens, de la valeur, la société a besoin que nous tous prenions soin des plus fragiles !
Le cercle Vulnérabilités et société rappelle dans l’une de ses contributions que « Les défis à venir (démographiques, écologiques, économiques, sanitaires, technologiques, énergétiques…) sont immenses et exigeront une forte aptitude individuelle et collective au changement et à la résilience. Pour mieux mobiliser le potentiel des vulnérabilités, comme source de cohésion sociale et de prospérité partagée, un engagement politique fort est indispensable. »
Le pape François avait interpellé les dirigeants du monde réunis au forum économique de Davos en décembre 2015 avec cette formule : « N’oubliez pas les pauvres ! » Il ajoutait : « Nous ne devons jamais permettre que la culture du bien-être nous anesthésie, au point de nous rendre incapables d’éprouver de la compassion devant le cri de douleur des autres ; nous ne pleurons plus devant le drame des autres, leur prêter attention ne nous intéresse pas, comme si tout nous était une responsabilité étrangère qui n’est pas de notre ressort ». Et nous, à la faveur d’une échéance électorale, interpellons nos élus sur cette crise des métiers du soin et sur les solutions à trouver pour y faire face. C’est une des manières de ne pas oublier les pauvres.
A lire aussi :
– Le mois des aidants se termine, soyons attentifs aux aidants…
– Santé publique et citoyenneté