Dossier Les voyages apprenants

Comprendre et agir pour recréer du lien social

En octobre 2018, la délégation Morbihan des Semaines sociales de Bretagne a décidé d’agir pour une période de deux ans sur la question de la fracture sociale dans le but de comprendre et d’agir pour recréer du lien social.

Elle a choisi comme cadre pour cette action le quartier périurbain de Ménimur à Vannes ; l’un des deux quartiers dits « sensibles » de la ville. Il est jugé prioritaire par la municipalité, dans le cadre de son « Contrat de Ville ». La population résidente est de 2850 habitants. Elle est composée de Français de souche, estimés à 30% de la population totale, et de résidents d’origine étrangère : Turcs, Maghrébins, Africains (arrivés progressivement depuis les années « 50/60 »), et plus récemment d’arrivants d’Europe centrale, de Tchétchénie et de Syrie En 2017, le taux global de chômage y était de 20 %. L’économie parallèle est développée, installant un sentiment d’insécurité sur tout le quartier. Sur fond de grands ensembles vétustes et dégradés, l’apport de population étrangère a amené, dans les années 90, la population d’origine française à migrer vers d’autres quartiers de Vannes ou de la grande ceinture urbaine.

En réaction, dans les années 2000, la ville, appuyée par l’Etat, a lancé un programme de rénovation urbaine du parc immobilier qui a eu pour conséquence heureuse, de stopper la migration vers d’autres quartiers et de redonner l’envie d’une qualité de vie locale. Malheureusement, les incompréhensions culturelles, issues des différences des modes de vie au quotidien, et la progression du chômage ont stoppés net cette dynamique. Des réflexes communautaristes se sont fait jour, accompagnés pour certaines catégories du corps social, de leur lot d’isolement et de repli sur soi. Le tissu associatif est présent sur le quartier. S’il a réussi, par ses initiatives, avec l’aide de la ville, à limiter ces comportements délétères, il marque aujourd’hui le pas. Les associations n’arrivent pas à réduire le communautarisme et l’isolement des plus fragiles.

La municipalité apprenant la mise en place d’expérimentation dans quelques villes, de l’initiative « Territoire Zéro Chômeurs de Longue Durée », décida en 2018 de soutenir des habitants souhaitant réaliser une étude de préfiguration pour ce dispositif, sur le secteur de Ménimur, en lien avec l’ensemble des acteurs locaux (secteur social, de l’insertion professionnelle…). L’initiative est soutenue aujourd’hui, par une association créée par des acteurs locaux soutenus par la ville. Elle dispose de l’appui de l’ensemble des services sociaux de la ville.

La délégation Morbihan des Semaines sociales de Bretagne est composée de trois personnes, très introduites dans les mouvements diocésains, auprès du cabinet du maire, des services de la Ville et des grandes associations présentes sur l’ensemble de l’agglomération de Vannes. Ces personnes sont en contact avec les associations locales de Ménimur. Interpellées par cette situation, la délégation des Semaines sociales de Bretagne en Morbihan, la Diaconie 56, en partenariat avec le service du développement social urbain de la ville de Vannes décidèrent, ensemble en concertation, de mettre en place un « lieu de réflexion et d’action sur le lien social, ouvert à l’ensemble des cultures et religions présentes sur le quartier ». Nous avons commencé par enquêter sur le terrain. Nous avons ainsi découvert que les associations locales font un excellent travail, mais qu’il manque à leurs initiatives, visibilité et orientations vers un objectif commun.

Nous leur avons alors proposé de créer un collectif autour des principes fondamentaux de la pensée sociale de l’Eglise, comme la dignité humaine, le bien commun, l’option préférentielle des pauvres, la destination universelle des biens, la subsidiarité. Durant 10 mois, nous nous sommes rencontrés, nous avons appris à nous connaître. Nous avons découvert avec une immense joie que la pensée sociale de l’Eglise se déclinait tant dans la religion du prophète que dans l’humaniste agnostique et pouvait ainsi assurer un socle de valeurs communes. Puis nous avons mis en commun nos connaissances du terrain. A l’unanimité nous avons décidés de créer des évènements locaux fédérateurs comme base à la reconstruction du lien social sur Ménimur, en associant, au sein de notre collectif, des partenaires locaux : clubs sportifs et commerces de proximité A ce jour, 9 organisations et des habitants volontaires, composent ce collectif. Elles comprennent des associations locales de confession chrétienne, musulmane et agnostique, une école, une épicerie solidaire et des habitants volontaires, autour de notre délégation départementale qui en assure la coordination.

Le 21 septembre 2019, nous avons organisés notre premier évènement « La Fête des Légumes de saison », par lequel nous avons invité les habitants à faire et à déguster ensemble des salades, plats et tartes de légumes dans le parc de Kérizac à Ménimur . Pour un premier évènement, ce fut un succès. Nous avons reçu une centaine de personnes (dont 20 % d’enfants) sur les 2850 habitants que compte le quartier prioritaire de la ville. Mais ce succès, nous l’avons jugé perfectible, quantitativement certes, mais aussi qualitativement. En effet, les hommes d’une manière générale ont été peu présents (10%), mais aussi les personnes isolées en fragilité sociale, familiale, physique, ethnique (minorité culturelle isolée comme les Syriens) que nous n’avons pas réussi à « toucher » ou à « convaincre » d’une manière significative.

Au vu du résultat encourageant de ce premier évènement nous avons décidés d’en refaire d’autres. Le prochain a été fixé au printemps, toujours autour de la convivialité « dégustative ». Nous allons travailler durant les 6 mois à venir sur deux axes : – Comprendre les freins et moteurs de la dynamique que nous avons créé, – Les moteurs étant identifiés, notre collectif s’appliquera à travailler sur les freins auprès de deux types de public : les hommes en général et les personnes en fragilité sociale, familiale, physique et ethnique, de manière à améliorer quantitativement et qualitativement la fréquentation évènementielle. Nous travaillerons de trois manières : – Rencontre « interview » de personnes « cibles », – Analyse de ces rencontres et intégration de la compréhension des freins et moteurs au développement du lien social dans nos évènements à venir.

Pierre-André DUPUY

Délégation Morbihan des Semaines sociales de Bretagne.

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