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Faits marquants – Des chrétiens européens avant l’heure

René Rémond et Andréa Riccardi

Des chrétiens européens avant l’heure

Synthèse de la journée du vendredi matin de la session 2004 des Semaines Sociales de France, « L’Europe, une société à inventer ».

« D’hier à demain, les chrétiens au cœur de la société ». Deux historiens, le Français René Rémond et l’Italien Andrea Riccardi se sont arrêtés sur cette thématique le temps d’une conférence. Jusqu’à quel point peut-on lier l’histoire du christianisme à celle de l’Europe ? Une approche historique de l’Europe et du christianisme qui a suscité de nombreuses questions au sein d’un auditoire attentif.

Andrea Riccardi, également fondateur de la communauté Sant Egidio, s’est penché sur les questions de divergences et de convergence des chrétiens dans l’Europe du XXeme siècle. Catholiques, protestants, orthodoxes, les chrétiens ont vécu chacun dans leurs pays l’histoire mouvementée de ce siècle marqué par l’apogée des crises et des puissances.

Le christianisme n’est pas un héritage tranquille dans un contexte d’Europe en guerre.

« Des racines chrétiennes sont nées dans des camps de douleur. » rappelle l’historien avant de revenir sur l’histoire de « ceux qui ont prêché à Dachau ». Des pages d’histoire qu’il n’écarte pas de celles du christianisme. Communisme, socialisme, les totalitarismes, les combats de l’Eglise ont été nécessaires à son évolution, à une prise de conscience quant à l’importance de son rôle social.

Comprendre du passé

Quel rôle a eu le christianisme dans la construction européenne ? Bien avant que la création de l’Europe ne devienne une affaire politique, le « christianisme avait créé l’Européen » et les chrétiens ont souvent été européens avant même que l’Europe politique n’existe. Et il rappelle, non sans humour, que « les pères fondateurs de l’Europe traitaient sous la même calotte. »

Aujourd’hui, Andrea Riccardi reconnaît une certaine confusion spirituelle en Europe mais ne doute pas des dynamiques qui résident encore en profondeur. « Il y a encore beaucoup à comprendre du siècle passé », dit-il.

Le christianisme français a rapidement compris l’importance de son action dans le domaine social. A travers l’histoire des Semaines Sociales de France, René Rémond est revenu sur la présence des chrétiens engagés dans la société française.

Un siècle de SSF

« Les Semaines Sociales de France ne sont pas nées dans un contexte qui leur était favorable. » énonce René Rémond. Le début du XXeme siècle reste marqué par la séparation de l’Eglise et de l’Etat. Pourtant, c’est en 1904 que les premières SSF ont vu le jour, à Lyon.

Imaginées par un entrepreneur lyonnais et un professeur lillois, elles se veulent l’héritage d’une encyclique de Léon XIII, « Rerum novarum ». L’idée est de développer une pensée chrétienne sur la société dans une réciprocité certaine. Vient 1905, l’année de la séparation de l’Eglise et de la République ainsi que « celle des catholiques du reste de la nation » dira même René Rémond.

« Les chrétiens se retrouvent interdits de politique. Le social devient un champ où ils peuvent encore intervenir. » Ils s’engagent dans les entreprises, les syndicats, les associations… Le pari est ambitieux. A l’époque, la société civile et l’Eglise ne sont pas prêtes à accueillir l’initiative.

Les SSF vivront un siècle au rythme de l’histoire. Elles connaissent une véritable popularité durant l’entre deux guerres avant d’être délaissées par « les générations mai 68 qui fuient les institutions. »

Militantisme chrétien

Les Semaines Sociales sont, depuis leur origine, une conjonction d’hommes d’action et d’intellectuels. « La transformation de la société ne peut être la résultante d’actions individuelles. » Réflexion collective, ouverture, il s’agit de lier l’action à la pensée.

« Les SSF sont devenues une force de proposition qui participent au renforcement de la cohésion de la société européenne. »

Au fil du temps, certaines mesures législatives ou notions politiques ont pris leurs sources dans la pensée catholique. C’est notamment le cas de la subsidiarité.L’Europe pourra présenter un modèle pacifié de rapport entre la religion, la société civile et la politique.

Reste à mesurer les leçons portées par l’histoire au christianisme. «L’Eglise doit sans doute au communisme d’avoir pris conscience de son rôle social et aux totalitarismes son acceptation de la démocratie » conclut l’animateur de la session, le journaliste Jean Boissonnat.

Géraldine Bouton

L’Européenne de Bruxelles

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