Dossier Europe

« Quel avenir pour la culture en Europe ? »

Restitution des ateliers participatifs lors du débat citoyen au Collège des Bernardins sur « Quel avenir pour la culture en Europe ? »

Mercredi 20 octobre a eu lieu au Collège des Bernardins un débat citoyen sur le thème « Quel avenir pour la culture en Europe ? », dans le cadre de la consultation citoyenne dénommée « Conférence sur l’avenir de l’Europe » et initiée en mars 2021 par l’ensemble des institutions européennes – par une déclaration conjointe, le 10 mars 2021, de David Sassoli, d’Ursula von der Leyen et d’Antonio Costa.

Cet événement en présentiel a été co-organisé par le Collège des Bernardins, les Semaines sociales de France (SSF), la Représentation du Parlement européen en France et la Fondation Hippocrène.

Après des interventions en plénière, plusieurs ateliers participatifs ont eu lieu, permettant des échanges en petits groupes et l’élaboration de propositions à faire remonter et à poster sur le site de la plateforme de la « Conférence sur l’avenir de l’Europe ».

Certaines de ces propositions ne sont pas des initiatives nouvelles à réaliser mais plutôt des dispositifs existants à renforcer et à mieux faire connaître.

Il s’agit, par exemple, de la possibilité pour les jeunes des différents pays de l’Union Européenne (UE) de se déplacer dans un autre pays que le leur, ce qui favorise la connaissance de la culture des autres pays européens.

Cela est d’ores et déjà possible avec le « collectif pour un service civique européen » mais cela est encore assez méconnu et peu approprié par les jeunes européens. La proposition est donc de renforcer les moyens de ce dispositif. D’une part, il est question du renforcement des moyens budgétaires. D’autre part, l’enjeu repose sur les moyens de communication, afin de « faire la publicité » sur cette possibilité pour les jeunes de l’UE et afin de permettre à plus de jeunes d’en profiter.

Dans le cadre de cette proposition pour le renforcement d’« un service civique de déplacement européen », un accent particulier est à mettre sur les jeunes en difficulté (en décrochage scolaire, par exemple).

Parmi les initiatives déjà existantes, figurent les capitales européennes de la culture. Une inflexion est proposée pour parler plutôt de capitales européennes des cultures, comme l’a préconisé, lors de son intervention en plénière, Mathieu Hanotin, Maire de St Denis, ville candidate pour être capitale européenne « des cultures ».

Concernant le programme ERASMUS, déjà bien connu et utilisé, une proposition de mutation de ce programme a pour finalité de l’étendre à de nouvelles tranches d’âge, plus jeunes, et de favoriser son ouverture à des catégories socio-professionnelles plus diverses.

En matière d’accès à la culture par le digital – par exemple à travers des visites virtuelles de musées -, des propositions suggèrent d’orienter des financements sur les outils digitaux dans le domaine culturel dans le cadre de la transition écologique et numérique (« Green Deal » de l’UE). En outre, selon certaines remontées et propositions de participants, il s’agit de « défendre » les outils digitaux conçus en Europe face à la suprématie technologique des Etats-Unis dans ce domaine.

D’autres propositions relèvent plus de l’innovation, de la création de dispositifs ou de structures à concevoir et à mettre en œuvre.

Par exemple, dans le domaine littéraire, il est proposé de créer une sorte d’Encyclopédie des littératures européennes avec un effort de traduction systématique dans les 24 langues officielles de l’UE. Cela concerne aussi la littérature de jeunesse, notamment les contes pour enfants.

Une proposition plus délimitée porte, par ailleurs, sur la diffusion et la transmission des comptines pour enfants, chansons qui existent dans les différents pays de l’UE et qui pourraient faire l’objet d’un apprentissage, dans la langue d’origine de ces comptines, par les enfants des pays membres, dans le cadre des structures collectives de garde des jeunes enfants (crèches, garderies, jardins d’enfants, etc.). La proposition, concernant ce projet autour des comptines, est de s’inscrire dans l’initiative « Europe créative » (programme européen actuel).

Certaines propositions innovantes ont un caractère plus institutionnel.

On peut citer dans ce domaine la proposition de création de « Maisons européennes de la culture » ou encore l’extension au champ culturel des délégations extérieures de l’UE auprès des pays tiers, alors qu’aujourd’hui le rôle de ces délégations est principalement économique.

De façon plus globale, il a été mis en exergue par plusieurs participants la dimension culturelle de l’Europe – non seulement de l’UE, mais aussi de l’Europe « de l’Atlantique à l’Oural » – et la contradiction avec une approche institutionnelle de l’Europe souvent axée sur les aspects économiques et financiers. La question du renforcement des compétences des institutions européennes en matière de culture a de ce fait été discutée – il s’agit aujourd’hui d’une compétence complémentaire ou d’appui, comme l’a rappelé Gaëtane Ricard-Nihoul du Secrétariat commun pour la Conférence sur l’Avenir de l’Europe à la Commission Européenne. Cela a, par exemple, donné lieu à la réflexion suivante : « Cela nécessiterait peut-être que l’UE se dote d’une Politique Culturelle véritable, l’heure étant venue de ne pas la confiner dans les pays ».

Une autre proposition est axée sur un type de région particulier, à savoir les régions européennes transfrontalières. Une telle proposition a pour objectif de développer les échanges culturels dans ces régions, de part et d’autre de la frontière. Cela consiste en particulier dans la création d’un Observatoire de bonnes pratiques culturelles transfrontalières.

L’avenir de la culture en Europe, c’est aussi la valorisation de son patrimoine existant et qui demeure vivant, inspirant.

Cela explique la proposition de création d’un programme économique et culturel européen de réhabilitation de notre patrimoine commun en matière de bâti. En fait, il y a déjà l’action du FEDER dans ce domaine mais l’enjeu est d’amplifier ou de compléter ce dispositif pour répondre à des besoins importants de réhabilitation du patrimoine architectural dans les différents pays de l’UE. Il s’agit aussi de proposer la promotion de chantiers de bénévoles, avec une ouverture européenne, pour la restauration de bâtiments patrimoniaux.

Mais la notion de patrimoine ne se cantonne pas au bâti. Il y a aussi le patrimoine artistique.

Ainsi, parmi les propositions, l’une concerne, par exemple, le romantisme en Europe, dans la mesure où il s’agit d’un courant artistique qui s’est épanoui dans chaque pays de l’UE et qui se caractérise particulièrement par la proximité avec la nature et la célébration de celle-ci. Or, dans le contexte actuel de transition écologique et social, de « Green Deal » européen, la découverte ou la redécouverte du romantisme en Europe et de ses œuvres pourrait présenter un intérêt, en écho avec l’actualité. Cela consisterait notamment dans l’accompagnement du montage de festivals européens autour du romantisme, dans l’UE et pour « réenchanter l’Europe », en s’appuyant dans ces initiatives d’organisation d’événements culturels sur l’implication d’acteurs associatifs.

En matière d’art, plusieurs propositions ont été évoquées lors de nos échanges en petits groupes.

Pour les artistes eux-mêmes, une proposition consiste à favoriser les échanges entre artistes, en particulier les jeunes artistes, avec des possibilités de résidence pour ces artistes dans un pays européen autre que le leur. L’expérience française de la Villa Médicis à Rome (permettant à des jeunes artistes accueillis en résidence de développer leurs projets créatifs) pourrait être utile dans ce contexte.

D’après les participants à l’événement aux Bernardins, la priorité pour ces échanges et résidences d’artistes concerne les jeunes artistes et le décloisonnement entre Europe de l’Ouest et Europe de l’Est, de même qu’avec les pays Baltes.

Outre les artistes, les critiques d’art sont aussi impactés par les propositions faites. En témoigne la proposition d’instaurer un collège européen des critiques d’art, collège décernant des prix européens pour différents arts.

Enfin, du point de vue de l’éducation et de la formation, la question a été évoquée par une proposition de doter les pays de l’UE et leurs enseignants concernés d’un socle commun européen d’histoire de l’art.

Un autre domaine traité dans les propositions s’intéresse à l’aspect de la communication et des médias. De façon concrète, cela se traduit par une proposition d’action sur la presse pour qu’il y ait plus d’articles sur la culture dans un cadre européen et pas seulement national, par exemple des pages culturelles européennes. Cela pourra être demandé, en particulier via le courrier des lecteurs.

Dans le champ médiatique également, a été soulignée la nécessité de promouvoir des médias européens et d’élargir leur audience : proposition de s’appuyer sur un faisceau de satellites pour la diffusion de ces médias et proposition d’extension d’ARTE à d’autres pays européens.

La réflexion et les propositions en petits groupes lors du débat citoyen aux Bernardins ont aussi souligné le caractère essentiel de l’ouverture sur d’autres cultures, extérieures à l’Europe. En fait, c’est dans cette ouverture et dans ce dialogue avec l’extérieur que se nourrit, se construit la culture en Europe, voire l’identité européenne.

Une proposition consiste ainsi à favoriser les échanges culturels avec les pays d’origine des migrants venus en Europe en s’appuyant sur ces migrants et sur les diasporas.

Une autre proposition préconise l’organisation d’un colloque où interviendraient des non-européens, à nos frontières et au-delà, pour nous faire connaître leurs « Représentations de l’Europe ».

Au total, les discussions et les propositions de ces « ateliers » participatifs ont montré le rôle clé que peut jouer la culture pour bâtir l’avenir de l’Europe et mettre ainsi en musique cette « unité dans la diversité », qui caractérise l’Europe.

Grégoire Lefèvre, administrateur des SSF et membre du groupe Europe

A lire aussi :

Contribution du groupe Europe des SSF à la Conférence sur l’avenir de l’Europe

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