L’abstention promet de battre des records lors des prochaines élections présidentielles et législatives. Le mécanisme est bien connu. Depuis des dizaines d’année, les responsables politiques semblent impuissants face aux problèmes quotidiens de Français qui perdent confiance et se résignent. Certains expliquent cette impuissance par la mondialisation, l’Union européenne, la complexité des problèmes politiques qui rendent impossibles les initiatives nationales. Mais ils sont aussi de plus en plus nombreux a pointer du doigt les corps intermédiaires (partis politiques, syndicats, associations…). Ces organisations chargées de faire le lien entre le peuple et le pouvoir politique sont accusées de scléroser voire de confisquer la démocratie française pour défendre des intérêts particuliers.
Face à cela la solution semble toute trouvée : la démocratie directe. Une démocratie sans corps intermédiaires qui se limite au vote et aux élections. Plus besoins de grands partis politiques, place aux référendum d’initiative populaire, aux assemblées tirées au sort et aux mouvements électoraux organisés comme des réseaux sociaux à l’image de L’Union populaire de Jean-Luc Mélenchon, de La République en marche d’Emmanuel Macron, ou de feu La Primaire populaire.
On peut voir dans ce phénomène un nouveau souffle démocratique mais on peut aussi y voir une nouvelle forme d’exclusion des plus pauvres de la vie démocratique. En effet, les plus fortunés n’ont pas besoin des corps intermédiaires. Ils disposent des ressources financières, culturelles et sociales suffisantes pour défendre eux-mêmes leurs intérêts. Pour eux, plus d’horizontalité et moins de corps intermédiaires, c’est la garantie d’avoir le dessus dans le débat publique. Ce sont les plus modestes qui ont besoin d’organisations fortes et structurées pour connaître leurs droits et les faire respecter, pour construire des propositions et les faire entendre, pour acquérir la confiance suffisante afin d’oser intervenir dans le débat public et peser dans le rapport de force. C’est ce qu’on appelle l’éducation populaire.
Quand ces corps intermédiaires se coupent de leur mission en s’appuyant sur une élite salariée plutôt que sur des acteurs bénévoles ou quand ils ne sont plus écoutés par les gouvernants, la fracture sociale et démocratique se creuse. Privés de représentants qui leur ressemblent et d’organisations capables de porter leur voix, la seule porte d’expression qui reste accessible aux plus modestes est celle de la colère parfois violente.
A l’image du dernier message du pape François aux mouvements populaires d’octobre 2021, il serait bon d’entendre dans cette campagne électorale une voix proposer d’investir massivement dans l’éducation populaire et redonner leur juste poids aux corps intermédiaires.
Stéphane Haar, délégué diocésain à la Mission Ouvrière du diocèse de Lille
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