Covid-19 : Le retour du monde d’avant

Lors de la crise sanitaire de bonnes pratiques s’étaient – un peu par force – mises en place : ne pas rencontrer pour un rien une personne qui habite loin si on peut passer en mode visio, acheter des produits frais, si possible de saison et pourquoi pas en circuits courts… Certains avaient vu dans ces nouveaux comportements confinés l’espoir d’un monde plus frugal, moins consommateur d’énergie, favorable à une transition énergétique dont on ne voyait pas, auparavant, le début du commencement. Et ils voulaient transformer en bonnes résolutions ces pratiques imposées.

Mais il faut se rendre à l’évidence, ces pratiques ne résistent pas au désir irrépressible de reprendre la vie comme avant. On le voit déjà avec la ruée dans les commerces, aux terrasses des cafés et dans les magasins… Pourtant on nous l’avait assuré : on ne sortirait pas indemne de cette crise. Cela voulait dire en tout premier lieu qu’il n’y aurait pas de retour au monde d’avant. Mais l’appétit de se revoir, de prendre un repas en terrasse ou de faire des achats trop longtemps repoussés, a été le plus fort. Et c’est bien normal. Nous ressentons tous une grande lassitude de cette période un peu cotonneuse, à moitié arrêtée, pleine d’écrans et d’immobilités, et nous aspirons tous à reprendre la vie « comme avant » justement, avec tout ce qu’elle comportait de rencontres, de contacts, de légèreté.

Alors, allons-nous nous résigner ainsi à la technique du coup de torchon ? Laisser s’envoler un certain nombre de principes « écologiques » adoptés à la faveur de la crise au motif que la reprise économique, psychologique, politique, sociale… l’exige ?

« […] continuer une consommation responsable mais surtout pérenniser l’existence et animer la vie des réseaux affinitaires, essentiellement numériques, qui se sont mis en place lors de la pandémie. »

Je fais ici une proposition – qui est peut-être déjà adoptée par certains : non seulement continuer une consommation responsable mais surtout pérenniser l’existence et animer la vie des réseaux affinitaires, essentiellement numériques, qui se sont mis en place lors de la pandémie. Il peut s’agir de groupes associatifs, paroissiaux, amicaux. Ces réseaux nous ont portés et nous ont aidés pendant cette crise. Ils nous ont mobilisés et nous ont permis de tenir. Nous leur devons bien un peu de temps et d’attention. Ce que nous y avons vécu peut fournir le socle d’engagements renouvelés, très différents des engagements politico-associatifs d’hier, non seulement parce qu’ils seront numériques à la base, et donc réticulaires, mais aussi parce qu’en toute logique ils déboucheront sur des actions particulières, différentes elles aussi et dont nous pouvons juste dire qu’elles seront moins dépendantes d’un territoire donné. Les uns n’excluent pas les autres, loin de là, mais ils peuvent les nourrir de pratiques nouvelles.

Jean-Pierre Rosa, éditeur et ancien délégué général des Semaines sociales de France

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