Dossier Tribune du Christianisme social

La tribune : Paix et fraternité, plus que jamais !

« Paix et fraternité ». L’expression est tout un programme. On l’a souvent lue à une époque comme une sorte de formule de politesse ponctuant un échange entre des militants du mouvement ouvrier. Ces mots ont aussi une résonance chrétienne. Une double source, celle du mouvement ouvrier et celle de l’Évangile auxquelles s’abreuve régulièrement l’auteur de ces lignes, et pour qui ces deux mots, paix et fraternité apparaissent comme les deux grands enjeux de l’heure.

Cela peut sembler presque incongru d’écrire cela alors que des scènes épouvantables nous parviennent chaque jour depuis Gaza et qu’il semble bien que les discours de haine de l’autre (donc de mon frère et de ma sœur) se répandent toujours plus chaque jour. Pourtant, c’est sans doute parce que la nuit est là, qu’il nous faut maintenir la lumière et redire que nous espérons la paix, partout dans le monde.

Au plein cœur des émeutes qui meurtrissaient nos cités populaires en juillet dernier, la Mission ouvrière de Roubaix ne manquait pas ainsi d’affirmer : « osons la solidarité et la fraternité ». Un discours d’espérance (et non de méthode Coué), mais pointant un certain nombre d’actions, de rencontres, de lieux, où malgré les difficultés, les souffrances, les injustices, des habitants de quartiers populaires, et souvent des chrétiens, osent aller à rebours des discours de fatalité. Dans le même ordre d’idée, j’ai tout récemment eu l’occasion de rencontrer des acteurs d’un quartier populaire à Loos-lez-Lille, dans le quartier des Oliveaux, un quartier populaire qui a lui aussi dû souffrir des émeutes de l’été dernier. Une église au bas des tours, accueille un certain nombre d’association qui oeuvrent au vivre ensemble et à la solidarité. L’une d’entre elle a été victime d’un incendie au cours de ces événements. J’ai pourtant été marqué par la ténacité de ces acteurs d’Eglise et leur volonté de ne pas renoncer. Sans angélisme bien entendu, le patient travail d’ouverture, d’écoute, de rencontre avec les habitants se poursuit. Ce sont des signes de paix et de fraternité qui demeurent vivaces.

Dans ce climat difficile qu’il ne s’agit nullement d’éluder, il est plus que jamais nécessaire de faire vivre ces signes d’espérance. Tout ce qui permet le dialogue (les rencontres interreligieuses notamment, mais aussi les initiatives de rencontre sur le terrain entre citoyens) ainsi que toutes les initiatives en faveur de la paix et contre les discours et actes de haine doivent être encouragées.

C’est en quelque sorte ce à quoi nous encourageait le pape François, dans l’encyclique Fratelli Tutti (« Tous frères »). Une encyclique sans doute moins connue et moins médiatisée que Laudato Si, mais ô combien essentielle pour qui souhaite vivre l’évangile aujourd’hui. Le Pape y encourage un processus de fraternisation toujours ouverte, à vivre, à expérimenter, à renforcer chaque jour. Il n’hésite à reconnaître que ce processus est difficile, mais nous donne, avec son concept « d’amitié sociale », un outil possible pour faire de cet objectif de fraternisation une pratique au quotidien, une utopie concrète. Celle de l’amour du prochain qui devient ici un véritable combat spirituel, car chacun sait que, selon le chrétien, le prochain peut tout aussi bien être l’ennemi d’aujourd’hui. Mais pour François, ce combat ne peut pas être dissocié de celui contre les injustices et les inégalités, sources de bien des guerres et dont notre monde est traversé. Artisans de paix, de fraternité, de justice, l’engagement des chrétiens est aussi et d’abord attendu sur ce terrain : celui d’une attention prioritaire aux pauvres et aux victimes de ces injustices.

Bruno Cadez

Mission ouvrière du diocèse de Lille

Ces articles peuvent aussi vous intéresser :

– Besoin d’ONU, besoin d’ONG libres

– Nous avons mission d’espérance, jusqu’à la fin du monde

Les plus récents

Voir plus