Dossier La Tribune du Christianisme social

« Que peut-on espérer de la COP28 de Dubaï ? »

cop 28 tribune

(Pape François, Laudate Deum)

Peut-on encore espérer d’une COP qu’elle nous sauve ?

La question est légitime au regard de certaines précédentes éditions et de leur cadre bien peu contraignant pour les États. Pourtant, la récente exhortation apostolique du pape François, Laudate Deum, parue en octobre dernier, paraît encore y croire. Peut-être parce qu’il appartient à l’Église de ne pas désespérer, peut-être aussi parce qu’il n’y a pas d’alternative que le chemin politique collectif.

Laudate Deum fait suite, huit ans après, à l’encyclique Laudato Si. Cette grande encyclique écologique rassemblait en une même supplication le cri des pauvres et celui de la terre pour appeler à une conversion radicale. Laudate Deum rappelle le caractère indiscutable de la crise écologique, et consacre une large partie du texte aux relations internationales, aux COP et à la COP28 en dénonçant leurs faiblesses mais en encourageant le choix de décisions politiques courageuses.

Cette semaine, justement, les débats de la COP28 montrent précisément que nous sommes entrés dans une ère politique qui demande du courage pour diriger l’humanité dans la bonne direction : le courage de prôner le renoncement. Renoncer à ce qui nous mène à la perte, et en particulier les énergies fossiles. Les difficultés à trouver un terrain d’entente témoignent cependant bien que malgré le consensus scientifique, ce renoncement est un arrachement.

Y parviendrons-nous ?

François pointe du doigt des éléments au cœur de nos systèmes qui doivent être dynamités pour entrer dans ce chemin de renoncement, un changement en profondeur, anthropologique même, de nos façons d’être et de vivre.

Prenons par exemple un autre enjeu majeur de cette COP qu’est le sujet du fonds mis en place par les pays les plus riches et les plus polluants pour indemniser les pays les plus impactés par le réchauffement, généralement des pays très pauvres. Cette difficulté pour les pays les plus riches et polluants à faire preuve, non pas de solidarité, mais de justice, rejoint la dénonciation par le pape d’une méritocratie prise comme un pouvoir tyrannique. Cette idée de la méritocratie est profondément ancrée dans nos éducations, dans le fonctionnement de nos sociétés et de nos injustices. François en parle en ces termes : « Des idées erronées se développent autour de la soi-disant “méritocratie” qui est devenue un pouvoir humain “mérité” auquel tout doit se soumettre, une domination de ceux qui sont nés dans de meilleures conditions de développement. Une chose est d’avoir une saine conception de la valeur de l’engagement, du développement de ses propres capacités et d’un louable esprit d’initiative ; mais si l’on ne recherche pas une réelle égalité des chances, cela devient facilement un écran qui renforce plus encore les privilèges de quelques-uns ayant davantage de pouvoir. Dans cette logique perverse, qu’ont-ils à faire des dommages causés à la Maison commune s’ils se sentent en sécurité sous la prétendue armure des ressources économiques qu’ils ont obtenues grâce à leurs capacités et à leurs efforts ? » (n°32)

Les chrétiens sont encouragés à prendre leur part dans cette révolution, une révolution qui est tout à fait matérielle avant même d’être spirituelle. À l’approche de Noël, quelle interrogation sur notre dépendance aux énergies fossiles et à la consommation à outrance qui contribue à détruire notre monde ?

Comme le disait le regretté Bruno Latour, « Si tu viens à perdre la terre, à quoi te sert de sauver ton âme ? »

Marie Leduc-Larivé

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