Dossier La Tribune du Christianisme social

La tribune : L’épidémie de l’information

Infodémie : le mot peut paraître barbare, ou savant, mais il renvoie à l’expérience que chacun peut vivre chaque jour de la crise sanitaire que nous vivons. Il s’agit du déluge d’informations, exactes ou inexactes, qui nous submerge depuis des mois. Au point qu’en 2020, au début de la pandémie, l’OMS et d’autres organisations des Nations Unies avaient mis en garde contre cette « infodémie », l’inflation de nouvelles inexactes qui peuvent enrayer les politiques de santé publique : « la diffusion d’informations fausses coûte des vies », rappelaient-elles en invitant les Etats à « renforcer leurs efforts pour diffuser des informations exactes et prévenir la propagation d’informations fausses et trompeuses ».

Mais cette bataille de l’information ne concerne pas seulement les « fakenews », les rumeurs, les théories du complot et les réseaux sociaux accusés d’en être le vecteur principal. Tout le système informationnel doit être interrogé.

Qui parle ? Qui informe ? Le gouvernement et les ministres concernés, le Conseil scientifique mis en place pour la circonstance, des médecins et scientifiques de toutes spécialités invités à s’exprimer sur les plateaux de télévision ? Quelle est la légitimité de la parole des uns et des autres ? Y a-t-il derrière telle ou telle réaction l’analyse objective du professionnel ou l’opinion du même professionnel par ailleurs engagé dans un mouvement politique d’opposition ? Les mois que nous vivons nous ont proposé une surabondance d’intervenants, une cacophonie peu propice à la qualité de l’information.

Que dit celui qui parle? Ce qu’il sait et ce qu’il ne sait pas? Les scientifiques ou les responsables politiques osent-ils dire qu’ils ne savent pas tout, exprimer leurs doutes ? Quand ils le font, dans un souci de transparence et d’honnêteté, le public l’interprète parfois comme une faiblesse ou une incapacité à prendre des décisions. Une partie du public se montre allergique à l’incertitude : il voudrait des réponses tranchées et des calendriers précis. Est-ce possible par temps de pandémie, quand il faut conjuguer urgence et évolutivité de la connaissance ?

Lecteurs, auditeurs, téléspectateurs, internautes , nous devons aussi nous interroger sur ce que nous recherchons comme informations et sur les décisions que nous devons prendre pour nous-mêmes et pour les autres , même quand la part de l’inconnu reste importante. Notre propre responsabilité est également engagée.

Enfin, le rôle des médias traditionnels demeure essentiel, pour une grande partie de la population, moins « branchée » sur les réseaux sociaux. Ils font des efforts de pédagogie importants, traquent les nouvelles inexactes. Sans doute pour ne pas se voir reprocher d’avoir été complaisants, ou naïfs, certains cultivent une critique permanente des décisions prises. On retrouve là des questions qui se sont posées au moment des graves attentats terroristes. Les médias n’entretiennent-ils pas ainsi l’inquiétude des citoyens ? Un journaliste alors réfutait l’argument : « notre rôle n’est pas de rassurer les populations ». Certes, peut-être est-il malgré tout de ne pas entretenir l’angoisse.

« Lorsqu’il conviendra de faire le bilan de la gestion de la pandémie, la question de la communication, de l’information ne devra pas être jugée secondaire, mais comme un véritable enjeu de démocratie. »

François-Bernard Huygue, dans un article du Carnet des médialogues de septembre 2020, mettait en lumière trois risques de l’infodémie : la désinformation délibérée, la mésinformation « mélange du vrai, du faux, de l’approximatif et du douteux » et la surinformation qui, paradoxalement, entrave l’information. Ces trois risques compliquent la gestion d’une crise, surtout quand les autorités, quelles qu’elles soient, n’ont pas la confiance du citoyen. Lorsqu’il conviendra de faire le bilan de la gestion de la pandémie, la question de la communication, de l’information ne devra pas être jugée secondaire, mais comme un véritable enjeu de démocratie.

Dominique Quinio, Présidente des Semaines sociales de France

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