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Dossier La Tribune du Christianisme social
Seulement voilà, comme l’ont rapidement pointé un certain nombre d’ONG ou de politiques comme le député Matthieu Orphelin, cette auto-gratification de lauriers verts fleure bon le greenwashing politique. En effet, les objectifs de la France en termes de diminution des émissions CO2 nationales sont inscrits dans la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC). La SNBC a été revue début 2020 et … l’objectif de baisse des émissions CO2 pour 2019 a été revu à la baisse. Là où il était prévu un objectif de -2,3%, on est passé à -1,5%. Voilà donc un objectif révisé à posteriori pour avoir le bon goût d’être atteint par la performance réelle : -1,7%.
« Entourloupe politique de bas étage mais sans gravité » pourrait-on penser. Malheureusement, ce signal est inquiétant. Au moment où les Etats-Unis de M. Biden reviennent dans l’accord de Paris, où l’Union Européenne revoit à la hausse la baisse de ces émissions CO2 pour 2030 en passant de -40% à -55%, et où la Chine promet d’atteindre la neutralité carbone en 2060, il serait (là encore) tentant de se réjouir. Oui, mais… les promesses n’engagent que ceux qui y croient. En l’affaire, un objectif, même proclamé haut et fort, reste une promesse. Il n’est pas contraignant. La manœuvre du gouvernement de M. Macron nous le montre en direct. Ce signal n’est pas très rassurant.
Certains pourraient alors souhaiter qu’un gendarme mondial puisse venir contraindre les contrevenants. Benoit XVI évoquait ainsi une « Autorité politique mondiale » (Caritas in Veritate, n°67). Mais, sans entrer dans le débat de fond sur cette proposition, il y a peu de chances que ce type de gouvernance se mette en place dans la décennie à venir. Or les objectifs climats se jouent dans les neuf ans qui viennent.
Exit donc le gendarme mondial. Sommes-nous alors condamnés à une décennie de grandes déclarations suivi d’inaction patente, puis de pirouettes politiques pour couvrir des objectifs non contraignants et non atteints ? La SNBC pourra-t-elle être manipulée à souhait sans grands risques autre que de la com’ ?
Le danger est réel. Cependant une lueur d’espoir apparaît à l’échelle des Etat-nations. Les justices nationales pourraient bien devenir les garde-fous des exécutifs nationaux. Le phénomène n’est pas nouveau, mais il se répand de plus en plus. En 2015, aux Pays-Bas, la justice avait donné raison à la Fondation Urgenda qui poursuivait l’Etat hollandais pour inaction climatique. Obligation était faite à l’Etat de diminuer de 25% ses émissions CO2 en 2020 par rapport à 1990. En France, une action similaire avait été lancée il y a 2 ans dans « l’Affaire du Siècle » où quatre ONG avaient reçu le soutien de 2,3 millions de français. Finalement, le 3 février 2021, le juge a tranché : il y a bien faute de l’Etat. Les actions et politiques mises en place ne permettent pas d’atteindre les objectifs que l’Etat lui-même s’est fixé, et la justice reconnaît là une source de préjudices moraux pour les plaignants, et plus largement d’une « partie du préjudice écologique constaté » (n°34 du jugement n°1904967-1904968-1904972-1904976), préjudice reconnu récemment dans la Loi Biodiversité (2016).
Il est particulièrement intéressant de relever le télescopage des dates : à quatre jours près, alors que la com’ présidentielle tente maladroitement de manipuler la SNBC sur Twitter, la justice reconnait la faute de l’Etat précisément à partir des objectifs fixés dans cette même SNBC et non atteints. Il semble donc bien que les tribunaux nationaux puissent devenir les gendarmes locaux d’engagements globaux pris, sans doute à la légère, par des exécutifs en recherche de communication court terme. Bien sûr rien n’est joué. L’Etat peut encore faire recours. Mais dans la décennie cruciale que nous vivons, la séparation des pouvoirs pourrait montrer encore une fois qu’elle a du bon. Pour nous. Pour les plus pauvres d’aujourd’hui. Pour les générations à venir. Et pour la Création toute entière. Voilà une bonne nouvelle finalement !
Xavier de Bénazé, jésuite et coordinateur au Campus de la Transition
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