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Les principes de la pensée sociale de l'Église sont tous orientés vers le respect et la promotion de la dignité humaine. La dignité procède du fait que toute personne est créée à l'image de Dieu et qu'elle est appelée au salut.
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Dossier La Tribune du Christianisme social
La doctrine sociale de l’Église, un peu comme le gaullisme, sert de référence à des protagonistes de la pré-campagne présidentielle qui bat déjà son plein dans notre pays. Au premier abord, on pourrait se féliciter de ce que dans une république laïque et une société pluraliste comme la nôtre, la pensée sociale catholique demeurât une source d’inspiration. Devant l’océan d’incertitudes que figure l’avenir, même le plus immédiat impacté par une pandémie qui joue les prolongations, il est appréciable que des politiques citent des principes faisant preuve de leur actualité. Mais là où le bât blesse, c’est quand l’évocation de la doctrine sociale catholique sert à enfumer des orientations qui lui sont intrinsèquement antagonistes et proviennent des extrémités de l’échiquier politique!
Dans une interview récente donnée à « La Vie », Jean-Luc Mélenchon se prévalait ainsi de sa bonne connaissance des encycliques sociales tout en professant une vision de la laïcité et de la politique en profondes contradictions avec elles. Quant à Eric Zemmour, champion auto-proclamé d’une France redevenue chrétienne, mais qui exclurait les handicapés de l’école de la République, il a nommé à la tête de sa campagne, un ancien général d’armée qui se revendique fièrement catholique imprégné de doctrine sociale…
Ce genre de récupération, passablement électoraliste, d’où qu’elle vienne, est une supercherie qu’il faut dénoncer. C’est un miroir aux alouettes qu’il faut briser. Le christianisme n’est pas un supermarché où l’on prend seulement ce qui va dans notre sens et notre intérêt, réagissait il y a peu le cardinal secrétaire d’État du Vatican, Pietro Parolin, devant des élus européens. En clin d’œil à la formule célèbre de Clémenceau sur la Révolution française, il faut dire et redire que le christianisme et sa doctrine sociale forment « un bloc dont on ne peut rien distraire ».
Comment, avec quels arguments? Ceux de l’histoire d’abord. Un rafraîchissement historique est indispensable quand les mémoires se font courtes, dangereusement courtes même. Sur le plan chronologique, il est utile de rappeler que la doctrine sociale de l’Église s’est particulièrement développée en France, après la publication de l’encyclique Rerum novarum par Léon XIII en 1891 et son appel, l’année suivante, au ralliement des catholiques français à la République. Les évêques suivirent le pape, de même qu’une partie des catholiques, ceux qu’on appelait les libéraux et les démocrates chrétiens. Ce rappel montre que la doctrine sociale est indissociable de l’attachement loyal et sincère des citoyens catholiques au régime démocratique et républicain. Certes celui-ci peut conduire à reléguer l’expression des convictions religieuses dans la sphère privée, un risque contre quoi Léon XIII avait su mettre lucidement en garde. Pour autant il est inacceptable que des récupérateurs de la doctrine sociale vantent des régimes contraires aux principes de la démocratie, de la séparation des pouvoirs et de l’État de droit.
Autre argument de fond à opposer aux usurpateurs de la doctrine sociale: celle-ci s’est formée au fil du temps, en reliant sans cesse à la vie, l’Écriture sainte, l’Évangile, les écrits des apôtres, des penseurs de l’Église, des papes et enfin le témoignage des femmes et des hommes qui ont incarné dans l’histoire le christianisme social. Ce patrimoine se nourrit ainsi constamment des événements économiques, sociaux et politiques – ces fameuses « choses nouvelles » dont parlait Léon XIII en témoin de la révolution industrielle – qui motivent le discernement des chrétiens et les poussent à chercher avec d’autres des solutions aux problèmes de la société. Ainsi la question humanitaire, brûlante d’actualité, soulevée par « l’accueil » scandaleux réservé aux migrants dans l’Union européenne, ne saurait être sacrifiée sur l’autel d’on ne sait quelle « realpolitik »!
Dit autrement, la pensée sociale catholique n’est pas un système idéologique immuable. Elle est chevillée à des principes intangibles, au nom de la charité évangélique, mais elle est une pensée historicisée, en dialogue avec ses contemporains, en mouvement avec celui du monde. Aussi est-elle un guide de conduite pour des personnes dont la vie et la conscience sont interpellées par les blessures du monde. Elle ne saurait servir de fumet humaniste à des discours et à des propagandes qui répondent à ce que le pape François appelle la « crise de l’homme », par des politiques d’exclusion, de confrontation et de discrimination raciale ou religieuse. La doctrine sociale catholique, on la prend en bloc, pas en pièces détachées! Sinon on tombe dans l’imposture!
La doctrine sociale de l’Église ne peut être réductible à un parti politique quel qu’il soit. Sa vocation, plus ample, est de « promouvoir tout homme et tout l’homme ». Elle a une portée « catholique », c’est-à-dire universelle. Sa mission est de témoigner que « la politique est la forme la plus haute de la charité ». Comme le vérifie l’actuelle campagne électorale, cette définition ne va plus de soi, entraînant des phénomènes massifs d’abstention, d’irritation et de rejet. C’est pourquoi il faut relever ce défi en promouvant la doctrine sociale; toute la doctrine sociale; rien que la doctrine sociale. C’est une nécessité, c’est une urgence pour notre histoire immédiate.
Michel Cool, journaliste, éditeur, écrivain
Administrateur des Semaines sociales de France
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