Dossier La Tribune du Christianisme social

La tribune : La grande écologie

L’Amazonie, lointaine et si proche. C’est en tout cas ce que l’on peut retirer de la lecture de l’Exhortation post-synodale « Querida Amazonia », « Amazonie bien-aimée », que le Pape François a rendue publique le 12 février. Bien des questions particulières, traitées tout au long du synode du 6 au 21 octobre dernier, ont en effet une résonance partout dans le monde.

Ceux qui attendaient de ce texte des décisions radicales concernant l’organisation de l’Eglise, de ses ministères, de sa gouvernance, resteront sans doute sur leur faim.

Mais, par une subtilité (la signature de François comme évêque de Rome depuis le Latran et non du Vatican !), subtilité que les vaticanistes exercés savent décrypter, ce dernier texte n’invalide pas le document final du Synode dont le Pape recommande la lecture ; il laisse aux évêques amazoniens le soin de trouver les solutions les plus adéquates. L’idée principale n’étant pas de cléricaliser l’organisation de l’Eglise en ordonnant des hommes mariés ou en proposant le diaconat pour les femmes, mais de laïciser pleinement l’Eglise, en donnant toute responsabilité et autorité dans des rôles essentiels à la mission d’évangélisation, aux catéchistes, aux femmes, aux diacres permanents…

Avant ce chapitre ecclésial, François réaffirme, sans jamais affadir son propos, sa condamnation des multinationales prédatrices, des responsables politiques corrompus, d’une mondialisation devenue une autre forme de colonisation. Au fil des quatre rêves qu’il formule pour l’Amazonie (social, culturel, écologique, ecclésial), se comprend son insistance à « tout lier » : le social et l’écologique, les droits humains et le respect des diversités culturelles, la dimension spirituelle et collective de la vie dont les peuples autochtones nous donnent le témoignage. On y retrouve l’encyclique Laudato si, bien sûr. Mais, à l’heure où nous nous inquiétons des fractures de nos sociétés occidentales, ces chapitres peuvent ouvrir d’utiles pistes de réflexion. « Notre rêve, écrit le Pape, est celui d’une Amazonie qui intègre et promeuve tous ses habitants pour qu’ils puissent renforcer un bien-vivre ». Faire société, n’est-ce pas cela, permettre le bien-vivre de tous ?

« Pour éviter une dynamique d’appauvrissement humain, il faut aimer les racines et en prendre soin »

« La lutte sociale implique une capacité de fraternité, un esprit de communion humaine », poursuit-il. Un esprit à promouvoir « sans diminuer l’importance de la liberté personnelle ». Le pape s’inquiète – notamment pour les jeunes générations urbaines – d’un mode de vie qui s’universalise et rabote les particularités culturelles : « Pour éviter une dynamique d’appauvrissement humain, il faut aimer les racines et en prendre soin ». Les racines spirituelles, et particulièrement les racines chrétiennes, font partie de ces trésors : « les connaître est une source de joie et surtout d’espérance qui inspire des actions braves et courageuses. » Cette attention aux racines n’est-elle pas aussi une invitation pour nos sociétés de plus en plus multiculturelles ?

Enfin, le pape rappelle la définition de l’écologie humaine telle que Benoit XVI l’avait formulée en 2007 dans un message pour la paix. Et il prolonge la réflexion : « Une écologie intégrale ne se contente pas de régler les questions techniques ou de prendre des décisions politiques, juridiques et sociales. La grande écologie inclut un aspect éducatif (…) Il n’y aura pas d’écologie saine et durable, capable de transformer les choses, si les personnes ne changent pas, si on ne les encourage pas à choisir un autre style de vie, moins avide, plus respectueux, moins anxieux, plus fraternel… » Une société française moins avide, plus respectueuse, moins anxieuse, plus fraternelle, tel serait notre rêve.

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Dominique Quinio, présidente des Semaines sociales

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