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Dossier La Tribune du Christianisme social
Le rituel des vœux est sacrément plombé cette année par un pessimisme atmosphérique. Il faut être sourd, aveugle ou anosmique (avoir perdu l’odorat) pour ne pas le flairer un peu partout. Il faut dire qu’on ne lésine pas avec les nerfs de l’opinion. Le 31 décembre, en France, les vœux présidentiels ont scandé plusieurs fois le mot « réarmement », laissant présager un gouvernement se préparant à être sur le pied de guerre. En outre, l’adoption de la loi sur l’immigration a laissé un goût amer. Ailleurs, Les nouvelles en provenance des fronts de l’est de l’Europe et du Moyen-Orient ne sont guère plus rassurantes. Du point de vue, en tout cas, des démocrates, des géo-politiciens et des organisations humanitaires qui redoutent un désastre à la manière de Troie pour Gaza. Pour corser la situation, des médias parlent déjà comme si Donald Trump avaient rempilé à la Maison blanche et Jordan Bardella remporté haut la main les élections européennes dans notre pays. Et puis, il y a l’épée de Damoclès que représente la menace climatique permanente, omniprésente, avec son cortège aussi cruel qu’imprévisible d’effondrements, d’avalanches et, comme dans le Pas-de-Calais, d’inondations qui ont sinistré une bonne partie de la population.
Dans l’Eglise catholique, l’aiguille du baromètre indique aussi le mauvais temps. La bataille entre ailes conservatrice et réformatrice a repris de plus belle suite à la décision prise par le pape François, avant Noël, d’accorder une bénédiction pastorale à des couples demandeurs, divorcés-remariés ou de même sexe. La dispute fait rage, au dam des personnes destinataires de cette œuvre de miséricorde, dévoilant la guerre de succession qui s’est déclarée sans complexe au Vatican. Les bonnes nouvelles du calendrier 2024 qu’illustrent, par exemple, la réouverture de la cathédrale Notre-Dame de Paris aux fidèles et aux visiteurs, le 8 décembre prochain, cinq ans seulement après avoir été dévorée par les flammes, ou encore la tenue des Jeux olympiques cet été sur les bords de la Seine, ne semblent pas suffisants pour apporter du baume au cœur d’une opinion publique habituée à broyer du noir depuis plusieurs années, qu’il fasse beau ou qu’il vente.
La célébration du nouvel an par l’échange de vœux est un des plus vieux rites de passage du monde. Il perdure bon an mal an jusqu’à nos jours, même si les cartes de vœux, joliment enluminées et porteuses de mots doux, sont en train de disparaître. Mais ce rite a aussi très mal aux dents à cause de l’obscurité dans laquelle nos sociétés sont convaincues d’être enfermées, sans autre possibilité pour elles que de se protéger, de courber les dos ou de se terrer – au propre comme au figuré – comme les paysans au Moyen âge qui fuyaient les invasions, les pillages et les épidémies. La relecture de « La Peur en Occident » de l’historien Jean Delumeau est très instructive pour comprendre ces comportements liés à des changements profonds d’époques et mieux discerner leurs interprétations actuelles.
Nonobstant s’il y a un devoir chrétien qui se respecte en cette période de vœux c’est celui de souhaiter le meilleur pour nos proches et pour nos lointains liés à nous par une communauté de destin. Hélas, Il est souvent de bon ton, mais aussi un peu facile, de bêler tristement avec le troupeau en ne pointant comme lui que le verre à moitié vide. « Ceux qui regardent leur vie en voyant surtout le verre à moitié vide n’ont pas compris qu’être chrétiens c’est de voir d’abord le verre à moitié plein, c’est-à-dire de faire confiance à ce qui est bien, à ce qui va bien, au fond à la bonté et d’en faire son véritable critère de discernement et de jugement », rappelle Luigi Maria Epicoco, un prêtre, philosophe et écrivain très renommé en Italie. Un autre philosophe, français, Jean Guitton, faisait dire à son ami Paul VI, le christianisme est « insatisfait par essence », mais ajoutait le pape, « il est optimiste ». Dieu, en effet a tant aimé le monde qu’un chrétien ne peut pas ne pas l’aimer. Il ne peut pas non plus le laisser se perdre dans l’obscurité et perdre tout sens du bien, du bon et de la bonté. Pour parler comme l’Abbé Pierre, il y a 70 ans, c’est maintenant le monde qui a besoin d’une « insurrection de la bonté ».
Haut les cœurs, donc, les chrétiens, pour sortir du troupeau et adresser en toute lucidité des vœux de bonté à notre société !
Michel Cool
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