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La tribune : Le vaccin contre le coronavirus SARS-Cov-2 doit être un bien commun

Alors que la pandémie du Covid-19 continue de faire des ravages sur l’ensemble du globe, les recherches d’un vaccin efficace se poursuivent, à la fois dans l’industrie pharmaceutique et dans la recherche publique. En effet, tout le monde converge sur l’idée qu’à terme, la seule façon d’éradiquer définitivement la pandémie est de disposer d’un vaccin qui puisse être administré à tous les habitants de la planète, qu’il s’agisse de pays riches ou pauvres, de pays en guerre en en paix, qu’ils aient ou non pu contribuer à la recherche dans ce domaine. Encore faut-il que son prix ne soit pas prohibitif pour qu’il soit accessible à tous. On sait en effet que l’efficacité d’une campagne de vaccination repose sur son universalité, et sur son très faible coût (voire sa gratuité).

La recherche d’un nouveau vaccin est un processus long (on parle de 18 mois dans le cas de la pandémie actuelle, ce qui serait un record absolu de vitesse), car il faut effectuer un certain nombre de tests chez l’animal et chez l’homme, et ceci à grande échelle : cette recherche est donc très coûteuse. Du coup, il est probable que les acteurs de la recherche ne s’engageront dans un tel effort qu’avec l’espoir d’un « retour sur investissement », à savoir la possibilité de faire un profit qui absorbe et dépasse l’investissement consenti. Cette logique s’applique depuis de nombreuses années dans le secteur de l’industrie pharmaceutique. On peut donc s’imaginer que le futur vaccin aura un coût, qui bénéficiera à ceux qui l’auront découvert et mis au point. Mais est-il éthique qu’un produit dont dépend l’avenir de l’humanité entière appartienne à un seul acteur, qui s’enrichisse sur son dos ? Ne serait-il pas plus judicieux de proposer que le futur vaccin devienne un bien commun de toute l’humanité ?

Arrivés à ce point, certains penseront que cette proposition est une douce utopie, voire qu’elle est totalement naïve. Qui investirait 1 milliard d’euros (c’est le coût moyen du développement d’un vaccin), sans en tirer un bénéfice ?

Pourtant, il y a des précédents dans l’histoire. Rappelons-nous par exemple l’histoire du vaccin contre la poliomyélite. Dans les années 1950, la polio était une maladie terrible, causée elle aussi par un virus, qui touchait les enfants (environ 20 000 cas par an), causant une paralysie à vie. Jonas Salk (1914-1995) est un biologiste américain qui a inventé le premier vaccin contre la polio. Pour développer ce vaccin, il a bénéficié d’une subvention d’une Fondation fondée par le Président Roosevelt mais aussi de dons de millions d’américains. Sans parler de la participation de 1.4 millions d’enfants sur lesquels le vaccin a été testé. Il n’a jamais breveté son invention afin d’en permettre une plus large diffusion. Lors d’une interview à la télévision en 1955 à ce sujet avec le journaliste Edward Murrow, il déclara : « Il n’y a pas de brevet. Pourrait-on breveter le soleil ? ». Salk considérait en effet que le vaccin appartenait à tous ceux qui avaient participé à son développement, donc à des millions de donateurs. Bien sûr, tous les acteurs de la recherche ne sont pas Jonas Salk ! Alors, que faire ?

Les chercheurs développant des innovations thérapeutiques comme des vaccins ont besoin de la coopération de tous. En échange, ils doivent mettre leurs découvertes au service de tous. Une façon de rendre cela possible serait qu’une agence mondiale comme l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) (ou un autre acteur international) offre un prix d’un montant attractif, par exemple d’un montant de 1.5 milliard d’euros (la somme doit être calculée plus précisément) au premier acteur qui découvrirait et développerait un vaccin obéissant à certains critères. Bien sûr, les citoyens du monde entier seraient invités à participer à une campagne de dons pour contribuer tous ensemble à réunir cette somme. En échange de quoi, l’industrie ou le groupe de chercheurs en question devrait le mettre à disposition gratuitement de sorte à ce qu’il puisse être mis sur le marché à son seul prix de fabrication. Un tel système encouragerait une recherche rapide, et efficace.

Le vaccin appartiendrait alors à tous ceux qui y ont contribué, c’est-à-dire à l’humanité entière. C’est la définition même d’un bien commun.

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Catherine Belzung, professeur de neurosciences à l’Université de Tours

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