Catholicisme : une fausse considération
On pourrait se réjouir de ce que le christianisme soit présent dans le débat politique de l’élection présidentielle, se satisfaire que la religion fasse partie des sujets de préoccupation de certains candidats et, du coup, d’une partie des électeurs. Mais, hélas, le catholicisme dont il est ici question, celui que prétend défendre Eric Zemmour, est un « christianisme sans le Christ », selon les mots d’une jeune femme engagée en politique. C’est une vision de la religion comme un socle culturel devant imprégner la société française à l’exclusion de toute autre. Une religion qui se passerait des enseignements du Christ, de ses commandements d’amour envers les plus fragiles, les étrangers, les prisonniers, les victimes…
Il n’est certes pas question de nier l’importance des racines que le christianisme a plantées dans notre paysage et dans notre culture : les églises, les monastères, les noms de tant de villes en témoignent. Cela paraît d’ailleurs tellement absurde quand certains, d’un autre bord politique, au nom de la laïcité ou du pluralisme, tentent d’en éradiquer quelques symboles . Mais de mettre en valeur les fruits de cet enracinement.
Qui sont les catholiques, si difficiles à classer, votant majoritairement plutôt à droite mais finalement toujours résistants à l’extrême droite ? Les « pratiquants », ceux qui fréquentent les paroisses, les communautés et s’y nourrissent pour s’engager dans le monde ? Ceux parfois moins pratiquants qui restent profondément attachés à la religion de leur enfance et aux valeurs qui leur ont été transmises ? Les « culturels », au fond devenus indifférents ? Ou les « ultras », inquiets de voir leur identité diluée dans un monde devenu multiculturel.
De fait, les catholiques sont aujourd’hui très minoritaires, mais ils votent (plus que la moyenne) et surtout, ils agissent : dans les grandes organisations solidaires des plus pauvres, ici ou ailleurs ; dans ces lieux où des enfants venus de tous horizons sont accueillis et éduqués, sur le plan scolaire ou dans des mouvements de jeunesse comme le scoutisme ; il y a ces jeunes vivant des expériences de cohabitation avec des sans abris, ces familles s’installant dans des cités difficiles ; les lieux de réflexion, comme les SSF, qui permettent de nourrir les engagements et de pousser le dialogue avec la société ; les médias dont le professionnalisme permet d’être considérés par des observateurs plus lointains ; les bénévoles qui accompagnent les malades en fin de vie, les aumôniers présents dans ces lieux difficiles que sont les prisons ou les hôpitaux, ceux qui travaillent à l’accueil et à l’insertion des migrants, à l’accompagnement des chômeurs ; ceux qui dialoguent avec les autres croyant. J’en oublie, bien sûr, qu’ils me pardonnent !
Ces multiples initiatives, déployées localement ou au plan national, minuscules ou plus structurées, sont un trésor pour notre société. Elles créent des liens, elles contribuent - avec d’autres, toujours -, à rendre notre monde plus fraternel et plus juste. Les catholiques, les croyants quels qu’ils soient d’ailleurs, méritent l’attention respectueuse de tous les candidats et mieux, surtout, que des instrumentalisations politiques qui prétendent les valoriser pour mieux dénoncer l’islam. Ne soyons pas dupes.
Dominique Quinio, Présidente des Semaines sociales de France
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