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La tribune : La démocratie souffre, les médias aussi

Ils n’ont pas très bonne presse, les médias ! Volontiers accusés de parti pris, de ne pas s’intéresser à ce qui préoccupe vraiment les citoyens. Il arrive que dans des manifestations ou à l’occasion de certains événements, les journalistes ne soient pas les bienvenus et, à l’ère des réseaux sociaux et des influenceurs qui semblent dicter les modes et les idées, on ne les croit plus nécessaires. Il est injuste pourtant de parler des médias, comme d’un corps homogène, comme il serait injuste de vilipender en bloc « les » enseignants, « les » policiers ou « les » juges. Tous n’ont pas la même vision de leur rôle, les mêmes règles déontologiques, les mêmes contraintes.

On annonce régulièrement la tenue d’états généraux du droit à l’information, d’un rendez-vous où seraient examinés la santé économique, la liberté et le pluralisme des médias, l’indépendance des groupes et des journalistes. Ces rencontres seront bienvenues : dans les débats qui agitent aujourd’hui notre pays et face aux coups de boutoir portés à l’idée de démocratie, la question de l’information n’est pas le plus mince des enjeux.

Ce monde des médias est entré dans une vaste révolution, devant laquelle les groupes et les titres qui ne s’appuient pas sur de puissants groupes industriels (ils sont trop peu nombreux dans le paysage français aujourd’hui) ne sont pas suffisamment armés et souffrent. Le prix de l’énergie les impacte comme le coût du papier qui a considérablement augmenté. La transition numérique demande d’importants investissements et de vraies conversions de la part des journalistes.

Mais surtout, les Français, et notamment les plus jeunes, ne s’informent plus comme avant. La forme numérique attire plus que le journal papier. La fidélité à un titre s’effrite. La confiance, de même qu’elle est malmenée en politique, dans la santé, voire dans l’éducation, n’est guère présente : d’année en année, les enquêtes l’attestent.

La gratuité s’est imposée : pour beaucoup, l’information doit être accessible sans contrainte financière. Dans le même temps, les fausses nouvelles ou les nouvelles trafiquées circulent sur les réseaux, impossibles à contrôler, impossibles à rectifier. Or, une bonne information demande des talents, des savoir-faire, des principes : des femmes et des hommes donc, investis, passionnés, curieux, attentifs aux personnes dont ils parlent et attentifs à ceux à qui ils s’adressent. Les algorithmes, aussi « apprenants » soient-ils, ne les remplaceront pas, sauf peut-être pour annoncer des résultats de matchs ou des scores obtenus dans une consultation électorale.

L’éducation aux médias est donc un sujet crucial. Elle ne concerne pas seulement les jeunes générations, mais tous les publics, et les professionnels eux-mêmes. Car c’est une éducation au sens critique, à l’écoute de l’autre, à l’analyse de nos éventuelles dépendances, une éducation qui impose de penser contre soi-même parfois, mais de penser en liberté.

Pour rappeler la valeur d’un principe, il suffit de regarder les lieux où elle n’est pas respectée : les pays, les régimes, les dictatures où la liberté d’informer n’existe pas, où l’information est contrôlée pour n’être que propagande. Ce « droit à l’information » dont il est important débattre est un bien précieux, à protéger donc. Par les professionnels d’abord qui ne doivent pas le galvauder, par les citoyens qui doivent avoir conscience de leur responsabilité dans la qualité de leurs médias, par des responsables politiques qui doivent être attentifs à ce pilier de la démocratie.

Dominique Quinio

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