Dossier Tribune du Christianisme social

La tribune : Dialogue et connaissance réciproque

L’Autriche à son tour a connu sur son sol le terrorisme meurtrier, revendiqué par des hommes se réclamant de l’islam radical et du groupe Etat islamique. Leur violence vise tout ce qui, à leurs yeux, représente la démocratie et les modes de vie occidentaux qu’ils exècrent.

Dans ce modèle occidental- qu’il prenne ou non la forme d’une laïcité à la française -, la coexistence pacifique et respectueuse entre citoyens incroyants ou croyants ne partageant pas la même foi est une donnée essentielle. C’est cette coexistence – qui n’est certes pas relativisme ni indifférenciation – que veulent combattre à tout prix, les armes à la main, ceux qui prônent un islam politique régissant les lois et les mœurs. Un islam dans lequel ne se reconnaissent pas la grande majorité des musulmans vivant dans nos pays: il n’est qu’à lire les différentes déclarations émanant de responsables musulmans, au lendemain de l’odieux attentat commis dans la basilique Notre Dame de l’Assomption à Nice.

Mais encore faut-il que cette coexistence ne soit pas une simple juxtaposition de communautés indifférentes les unes aux autres, ignorantes les unes des autres. Elle doit être dialogue et rencontre, à l’instar de ce que symbolisa la déclaration commune du pape François et du Grand Imam d’Al-Azhar, en février 2019, rapportée dans l’encyclique Fratelli Tutti. Les Semaines sociales des Alpes-Maritimes, Sesam, particulièrement touchées par l’attentat de Nice « souhaitent encourager la lecture de cette déclaration » qui invite « toutes les personnes qui portent dans leur cœur la foi en Dieu et la foi en la fraternité humaine, à s’unir et à travailler ensemble ». Pour nos amis de Nice, la lecture des textes de Christian de Chergé, prieur de Tibhirine, permet de progresser sur ce chemin.

Quand la peur s’installe, et avec elle la méfiance, il paraît utopique de prôner dialogue et coopération entre chrétiens et musulmans. Ceux qui portent depuis longtemps cette volonté se voient, au mieux, taxer de naïveté, au pire de compromission ou de lâcheté. Or, au fondement de notre république, l’article 1 de la constitution de 1958 se termine ainsi : La France (…) « respecte toutes les croyances ». Dans un article très éclairant, présenté comme une Lettre aux professeurs d’histoire et géographie, François Héran, professeur au collège de France, fait un détour par l’histoire pour parler de la liberté d’expression, de son champ et de ses limites, de ses droits et des ses devoirs.

«Intégrer l’existence d’autrui dans sa vision du monde, affirme François Héran, ce n’est pas pratiquer la haine de soi, c’est sortir de soi pour se grandir. A condition, bien sûr que l’effort soit réciproque ».

De part et d’autres de la table du dialogue, chacun est invité à une conversion du regard, de la part des musulmans « habitués à diviser le monde entre croyants et mécréants » et de notre part, enclins que nous sommes à chasser la foi hors du champ public en la reléguant dans la seule sphère privée. «Intégrer l’existence d’autrui dans sa vision du monde, affirme François Héran, ce n’est pas pratiquer la haine de soi, c’est sortir de soi pour se grandir. A condition, bien sûr que l’effort soit réciproque ».

Comment nouer ce dialogue ? Il y a le débat, l’échange de paroles, les réactions communes devant tel ou tel événement, mais la déclaration du pape et du Grand imam donnent aussi d’autres pistes pour pratiquer cette rencontre (de nombreuses associations dans notre pays les explorent depuis longtemps). « Au nom de l’âme humaine innocente que Dieu a interdit de tuer… Au nom des pauvres, des personnes dans la misère, le besoin et des exclus que Dieu a commandé de secourir… Au nom des orphelins, des veuves, des réfugiés et des exilés de leur pays, de toutes les victimes des guerres, des persécutions et des injustices … Au nom des peuples qui ont perdu la sécurité et la paix… Au nom de la fraternité déchirée par les politiques d’intégrisme et de division et par les systèmes de profit effréné… ». On le comprend : les champs d’action sont nombreux et indispensables à la construction d’une société pleinement humaine.

Dominique Quinio, Présidente des Semaines sociales de France

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