Des jeunes catholiques dénoncent EACOP, projet de TotalEnergies en Afrique
En ces mois où les questions sur l’énergie se posent à l’Europe du fait de la guerre en Ukraine et des sanctions lancées contre la Russie, le pays agresseur, l’initiative de 400 jeunes catholiques interpellant l’Eglise de France est révélatrice de l’engagement de nombreux jeunes pour la lutte contre le réchauffement climatique. Malgré les risques de pénurie, et les possibles restrictions, malgré les tentations des gouvernements (et peut-être des citoyens) de trouver des solutions à court terme peu vertueuses pour le climat, ils rappellent que tout doit être fait pour lutter contre les énergies fossiles.
Leur message, publié dans la Croix à la veille de la fête de François d’Assise, concerne un projet de TotalEnergies, fleuron de l’industrie française, Eacop (Eastern African Crude Oil Pipeline) : l’extraction de pétrole dans l’Est de l’Afrique, dans la région du lac Albert et, pour le transporter, la construction d’un pipeline de 1 400 kilomètres reliant l’Ouganda à la Tanzanie, jusqu’au port de Tanga sur l’océan indien. Eacop est financé à plus de 60% par le groupe français, à 15% chacune par les compagnies pétrolières ougandaise et tanzanienne et à 8% par le géant chinois Cnooc.
Le groupe pétrolier français se défend ; il explique respecter les droits des populations touchées par le projet et avoir pris en considération les dégâts faits à la biodiversité en minimisant les impacts. Mais plusieurs ONG, des militants écologistes, dont des Ougandais et des Tanzaniens (trois d’entre eux ont rencontré le pape François en mars dernier), en dénoncent les effets : 100 000 personnes déplacées, trop faiblement indemnisées, une atteinte grave à la biodiversité dans une zone protégée, le parc national des Murchinson Falls, les risques en cas d’accident ou de fuites sur le pipeline… En outre, ils s’inquiètent des conséquences de ces nouvelles ressources pétrolières sur le régime corrompu du président ougandais qui dirige le pays depuis 36 ans.
En septembre, à l’initiative du député français Pierre Larrouturou (Nouvelle donne), le parlement européen avait voté à une large majorité une résolution d’urgence, non contraignante, pour dénoncer l’impact néfaste d‘EACOP sur les populations, l’environnement et in fine le climat. L’Ouganda avait jugé cette dénonciation « déplacée », le projet devant apporter d’importantes ressources à ce pays où une majorité de la population vit sous le seuil de pauvreté. Il aurait beau jeu, également, de rappeler que l’Afrique émet moins de 3% des gaz à effet de serre.
Mais pour les jeunes catholiques, la construction de l’oléoduc ne va pas dans le sens du Bien commun, ni pour les Africains, ni pour la planète, et ils espèrent une réaction des évêques français pour le dénoncer. Il est intéressant de parcourir la liste des signataires de la Tribune, jeunes professionnels le plus souvent, engagés dans des mouvements ou des paroisses, des spécialistes de l’environnement, des médecins, des journalistes, des enseignants… : ils ont pris au mot les encycliques Laudato Si et Fratelli Tutti ; ils ont entendu les appels du Pape adressés aux jeunes réunis à Assise pour penser l’économie autrement. Ils s’inspirent de la pensée sociale de l’Eglise, la revivifiant, l’appliquant aux défis d’aujourd’hui.
Dominique Quinio, présidente d'honneur des Semaines sociales de France
Rejoindre la rébellion ?
« Comme bon nombre de mes camarades, alors que la situation climatique et les inégalités de...
Le temps presse
En 1992, peu après le Sommet de la Terre(1) , plus de 1700 scientifiques avertissaient de...
Le symptôme de la canicule
Souvent les climatologues ne veulent pas conclure trop vite sur le lien de tel ou tel phénomène...
Dépasser l'injonction environnementaliste
De plus en plus le plaidoyer environnementaliste prend la forme d’une injonction. Cela commence...
Catholiques divisés face aux armes nucléaires
En visite au Japon sur les sites d’Hiroshima et de Nagasaki, le Pape François a usé de termes...
L'Apocalypse n'est pas la fin du monde
Avant même la crise sanitaire, le mot apocalypse avait fait retour dans nos débats dans un...