Dossier Tribune du Christianisme social

La tribune : Covid : un amplificateur des inégalités en tout genre

D’après une étude récente de la Banque Mondiale, la crise sanitaire que nous traversons depuis plus de 18 mois a accentué les inégalités à tous niveaux : inégalités concernant les données épidémiologiques, inégalités dans l’accès à la prévention, inégalités quant à l’impact socio-économique, inégalités en fonction de l’origine géographique, inégalités d’accès à l’éducation, inégalités hommes-femmes, etc. Et ceci se retrouve à la fois en France et à une échelle internationale.

Commençons par les données épidémiologiques. Tout d’abord, les personnes issues des milieux socioprofessionnels les plus défavorisés ont à la fois été plus exposées au virus que les autres, et ont été plus à risque de développer des formes graves de la maladie : en effet, ces personnes ont davantage maintenu leur activité professionnelle en modalité présentielle, car leur emploi se prêtait moins au télétravail, elles résidaient plus souvent dans des logements surpeuplés, elles étaient plus souvent atteintes de comorbidités induisant des formes graves de la maladie comme par exemple l’obésité. De fait, en France, d’après l’Insee, la sur-mortalité est surreprésentée dans les quartiers pauvres ou chez les personnes nées à l’étranger. De la même manière, aux États Unis, le nombres de victimes est disproportionnée chez les noirs américains. On retrouve les mêmes inégalités en ce qui concerne l’accès à la prévention, à une échelle internationale cette fois-ci : l’accès à la vaccination constitue à cet égard un exemple criant. En effet, actuellement certaines régions d’Afrique, d’Asie ou d’Amérique du Sud sont à la traîne en ce qui concerne la vaccination : alors que 45% de la population mondiale est vaccinée, seules 2% des personnes des pays les plus pauvres le sont.

Mais la santé n’est pas le seul domaine où les inégalités ont été accentuées. Des inégalités criantes ont été amplifiées concernant les revenus. Par exemple, en France, le chômage partiel a concerné surtout les ouvriers (54%) car les cadres pouvaient poursuivre leur activité en télétravail (81%) : ces populations ont donc été bien plus impactées par la perte de revenus lié à ce dispositif (chiffres Insee). Par ailleurs, la crise sanitaire a induit un surplus d’épargne (d’après la Banque de France, 157 milliards d’euros) : cependant, ce surplus ne se distribue pas de façon identique dans les différentes catégories de la population puisque l’épargne a diminué de 2.8 % chez les 10% de personnes les plus pauvres (qui devaient recourir à leur épargne pour compenser les pertes de revenus) alors qu’il a augmenté de 2.5 % pour les 10% les plus riches en 2020.

Un autre domaine où la crise de la Covid a accentué les inégalités est le domaine de l’éducation. En effet, d’après l’Unesco, à l’échelle mondiale 55% des pays à faible revenu ont eu recours à l’enseignement à distance, alors que seulement 12% des enfants de ces pays ont accès à l’Internet. En outre, la scolarisation des enfants à la maison a également accentué les inégalités car il existe une importante fracture dans l’aide que l’entourage peut apporter à l’enfant en dehors des sessions scolaires et qui est déterminante.

On pourrait rallonger la liste à souhait…

Cette explosion des inégalités était prévisible, car elle a été observée lors d’autres crises sanitaires comme par exemple celle liée à Ebola. Que faire maintenant ? On peut agir à deux niveaux : en mettant en place des politiques qui permettront de prévenir l’apparition des inégalités lors des crises futures qui pourraient survenir, et en essayant de limiter l’impact des inégalités créées par la crise actuelle. Des dispositifs existent, par exemple le mécanisme Covax par lequel des pays riches peuvent financer des doses de vaccin pour les pays pauvres : il s’est cependant révélé très insuffisant dans la crise actuelle. D’autres dispositifs, comme par exemple celui visant à ce que le vaccin devienne bien public mondial sont en cours de discussion à l’Organisation Mondiale du Commerce : cela permettrait de faciliter la production du vaccin par les pays pauvres, qui pourraient être dispensés de verser des royalties lorsque des fonds publics colossaux ont été investis dans une recherche par exemple.

Catherine Belzung, professeur de neurosciences à l’Université de Tours

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