Dossier Tribune du Christianisme social

La tribune : La démocratie affadie

Nul ne pourra crier victoire. Ni à l’issue du premier tour de l’élection présidentielle. Encore moins, au lendemain du second tour, quand beaucoup feront un choix par défaut, pour éliminer un candidat plutôt que pour en élire un autre. Le système démocratique tel que nous le vivons semble à bout de souffle. Si l’on en croit les sondages, et les reportages des médias, beaucoup d’électeurs sont encore indécis, ne savent pas pour qui voter ni même s’ils iront voter. Même s’il est moins important que prévu, ou moins élevé que lors des derniers scrutins (en février, 65% des personnes interrogées étaient certaines d’aller voter), le taux d’abstention restera préoccupant, signe de désintérêt ou de colère, de désinvolture parfois aussi.

On peut, quand on conçoit le vote comme un devoir, s’agacer de ceux qui ne veulent pas se déplacer ou disent qu’ils ne savent rien des programmes des candidats, que les responsables politiques sont tous « pourris » et « menteurs », que cela ne sert à rien. Oui, il y a de l’injustice dans ces constats critiques : la plupart des médias ont fait leur part de travail en présentant les programmes, en donnant la parole aux candidats, en faisant poser des questions à leurs auditeurs, à leurs lecteurs , à leurs téléspectateurs. Malgré le contexte compliqué de la guerre en Ukraine et de la pandémie, les candidats ont fait campagne, ont arpenté la France, ont rencontré des Français, si ce n’est les Français. Et il y a des lignes de fracture entre les candidats, des orientations différentes que l’on doit étudier avant de se prononcer… Et pourtant, la morosité règne, y compris dans les équipes politiques qui, s’appuyant sur les sondages – tout en affirmant qu’il ne faut pas y croire –, jugent que le résultat est joué.

L ‘abstention touche plutôt les milieux populaires, ceux qui ont la perception d’être les oubliés du débat politique. Et les jeunes, peut-être. Pourront en être particulièrement victimes les candidats qui récoltent les voix de ces populations, Marine Le Pen ou Jean-Luc Mélenchon ; les électeurs plus âgés, socialement plus insérés, plus stables dans leur vote, iront aux urnes.

Mais en réalité le taux d’abstention pèsera sur tous, pénalisera notre pays, comme une marque de désaveu, de défiance. L’élu(e) n’aura recueilli sur son seul nom qu’une minorité des suffrages. Il ou elle aura beau dire qu’il ou elle sera le président ou la présidente de tous les Français. Ce sera faux. Et il lui faudra s’en souvenir. Pour l’honneur de la démocratie. L’exemple de ce qu’un président autocrate peut décider – l’invasion meurtrière d’un Etat souverain –, sans que son peuple ait les moyens (et peut être hélas le désir) de s’y opposer, voilà qui devrait nous réveiller. Que nous soyons électeurs ou élus, ne devrions-nous pas avoir honte de cet affadissement de la démocratie ? Et nous mobiliser pour la revivifier et la mettre véritablement au service de tous ?

Dominique Quinio, Présidente des Semaines sociales de France

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