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Dossier La Tribune du Christianisme social
A peine l’année 2023 s’était- elle achevée que l’INSEE publiait à la mi-janvier un bilan démographique complet de l’année 2023 .
Si le communiqué de l’INSEE a fait la une, c’est parce qu’il annonçait que tous les indicateurs du dynamisme démographique dont notre pays s’est fait une spécialité étaient en berne : réduction drastique de l’excédent des naissances sur les décès ramené à 47 000 personnes soit le sixième de ce qu’il était il y a vingt ans, baisse significative de l’indicateur conjoncturel de fécondité instantané tombé à 1,68 enfants par femme alors que l’on s’était sans doute à tort habitué à un taux de 1,8 , presque suffisant pour assurer le maintien du niveau de la population, vieillissement manifeste avec près d’un Français sur dix désormais âgé de plus de 75 ans.
Ces chiffres ont fait l’effet d’une douche froide. Le Chef de l’Etat en appelle à un réarmement démographique, rencontrant l’assentiment d’un grand nombre de nos compatriotes inquiets pour le financement des retraites et suscitant l’ire du mouvement féministe. Cette situation appelle, à la réflexion, deux remarques.
D’abord les résultats de 2023 ne sont pas vraiment une surprise. Ils se situent dans une tendance observable depuis une dizaine d’années de diminution des taux de fécondité à tous les âges un temps masquée par le report du calendrier des naissances à la fin de la période fertilité. Il apparaît que ce report est désormais stabilisé. Autrement dit, les choix de descendance finale des femmes (qui ne correspondent pas nécessairement au désir de descendance) s’orientent depuis une dizaine d’années à la baisse. Ce mouvement s’enclenche en France avec une retard d’une dizaine d’années par rapport à la moyenne européenne. Mais en définitive, l’excédent naturel des naissances sur les décès au cours des dernières vingt années diminue en France de 4 points de pourcentage de la population totale, ce qui vaut aussi pour l’Europe dans son ensemble.
Ce parallélisme des évolutions laisse penser que la baisse de la natalité devrait se prolonger en France comme en Europe. Mais ce constat n’empêche pas de réfléchir à ce qui, chez nous, a pu causer l’inflexion généralisée des taux de fécondité. On dit que l’exception démographique française est au moins en partie liée à une politique familiale relativement généreuse, combinant à la fois des allocations élevées et un service d’accueil de la petite enfance très développé. Au détour des années 2015 cependant, les avantages familiaux d’une part importante des familles aisées ou moyennes ont été réduits . Par ailleurs, les conditions d’accès à un logement de taille suffisante pour les familles les plus modestes se sont très fortement dégradées depuis 15 ans . La baisse de la natalité ne signifie sans doute pas que le désir d’enfants s’effondre, mais plutôt que les conditions d’accomplissement de ce désir se sont dégradées.
La seconde remarque pointe le parallélisme observable en France comme en Europe entre chute de l’excédent naturel de population et solde migratoire. Le vieillissement démographique avec la diminution de la population active susceptible d’assumer des tâches indispensables mais peu qualifiées constituent une explication majeure de l’augmentation lente de notre excèdent migratoire. Certes, ces deux mouvements ne sont pas directement ou systématiquement liés l’un à l’autre. Mais sur le moyen terme, il y a entre eux une forte correspondance : pour la France l’excédent naturel de la population passe de 271 mille en moyenne au cours des dix premières années de la décennie à 195 mille au cours de la seconde alors que le solde migratoire, toujours en moyenne augmente de 79 mille à103 mille et ces tendances se poursuivent entre 2021 et 2023 avec un solde migratoire estimé à 183 000 .
La baisse tendancielle de l’excédent naturel français peut être combattue en remédiant aux maux sociaux dont elle est le symptôme, en particulier la difficulté persistante à se loger pour les familles avec de jeunes enfants et à concilier vie de famille et vie de travail. Mais elle nous oblige aussi à concevoir une « vraie stratégie migratoire », à la fois européenne et française, comportant une maîtrise négociée des flux, une répartition équitable sur le territoire, une organisation des mobilités nord sud, des perspectives renouvelées pour l’intégration des Français d’origine étrangère qui constituent la majorité de nos « immigrés ».
Jérôme Vignon
(1) INSEE Première N°1978 janvier 2024
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