Dossier Rencontres anuelles

Ouverture de la session 2000

Par Jean Boissonnat, président des Semaines Sociales de France

Introduction à la 75e session des Semaines Sociales de France, « Travailler et vivre ».

Bienvenue à cette 75e session des Semaines Sociales de France, ici au Palais des Arts et des Congrès d’Issy-les-Moulineaux où nous nous retrouvons depuis bientôt dix ans. Il est vrai que l’élargissement de notre audience peut nous obliger à émigrer vers d’autres lieux : l’an passé – pour une session d’un caractère, il est vrai, exceptionnel – nous étions au Palais de la Mutualité à Paris, avec 2.500 participants, audience record depuis plus de trente ans. Cette année nous serons autour de 1.500, peut-être un peu serrés ici, réunis sur le thème « Travailler et vivre ».

Au terme de notre dernière rencontre, nous avions pris quelques résolutions dont je dois vous rendre compte ce matin. La principale était d’engager une action de longue durée pour renouer la chaîne des générations. Nous avions publié une lettre à un jeune chrétien à l’aube du XXIe siècle. Le texte en a été repris dans de nombreuses publications, notamment dans les mouvements de jeunesse. Une commission « jeunes » des Semaines Sociales a participé à la préparation de la présente session. Elle assurera d’ailleurs deux des carrefours prévus dans le programme de nos travaux. Le Conseil et le Comité, qui animent les Semaines Sociales, sont eux-mêmes en voie de rajeunissement. Je salue ici, en votre nom à tous, ceux de nos aînés qui, après avoir réussi la renaissance de notre organisation dans les années 80, et tout en continuant à participer à nos travaux, ont laissé la place dans nos instances pour faciliter l’arrivée de sang neuf. Dans le même esprit nous avons ouvert un site sur Internet.

Dialogue avec la jeunesse, mais aussi dialogue avec les régions. En attendant de pouvoir organiser à nouveau des sessions nationales des Semaines Sociales dans les grandes métropoles (nous y songeons sérieusement pour les prochaines années), nous avons invité nos groupes d’amis en régions, à la préparation de la présente session. Plusieurs d’entre eux ont pris en charge différents carrefours, comme il est indiqué dans le programme.

Dialogue avec la jeunesse, dialogue avec les régions, dialogue avec les autres Européens. Avec nos amis du Comité central des catholiques allemands (dont je salue la présence amicale, ici, parmi nous), nous avons publié cette année un « Manifeste pour une conscience européenne ». Il s’agit d’une première étape en vue de faire participer plus activement les chrétiens à la constitution d’une opinion publique européenne. Celle-ci fait cruellement défaut pour stimuler la classe politique dans l’œuvre de construction d’une véritable union européenne, qui ne peut être fondée uniquement sur le libre-échange et sur la monnaie, quelle que soit l’importance des acquis – ils sont considérables – réalisés à ce jour. Nous l’avons affirmé, ici même, lors de notre session de 1996 : « La nation est notre héritage, le monde est notre territoire, l’Europe est notre volonté ». Nous devons nous retrouver, dès le mois de janvier, avec nos amis allemands et d’autres Européens intéressés par notre démarche, pour envisager un approfondissement et un élargissement du thème de la conscience européenne.

Toutes ces entreprises visent à renforcer l’action des laïcs chrétiens dans la construction de la société et dans la vie de l’Église. Nous ne prétendons à aucune autre représentativité que celle que l’histoire des Semaines Sociales peut nous conférer. Elle est limitée. Mais elle nous engage et nous entendons l’assumer en bonne intelligence et en toute amitié avec les pères Évêques – successeurs des Apôtres sur notre territoire – et avec Rome. Sans compromettre, si peu que ce soit, ces autorités légitimes.

Cette année, nous revenons sur le thème du travail, que nous avons déjà abordé trois fois depuis la guerre : en 1964, à Lyon, « Le travail et les travailleurs dans la société contemporaine » ; en 1976, à Paris, « Travail inégalité et changement social » ; en 1987, à Saint-Denis, « Travail et emploi. Problèmes de société et problèmes de l’homme ». Cette année, en intitulant notre session « Travailler et vivre », nous voulons insister sur les mutations profondes qui sont en train d’affecter l’idée même que nous nous faisons du travail, dans ses rapports avec tout le reste de l’existence. La première journée sera l’occasion d’analyser l’ampleur de ces transformations. La deuxième journée étudiera les fondements culturels, philosophiques et religieux du travail aujourd’hui. La troisième journée regardera l’avenir pour évoquer les réformes nécessaires afin de répondre aux aspirations nouvelles.

Afin de répondre à votre vœu de participation active à nos travaux, nous avons quelque peu allégé les interventions en séance plénière. De cette façon vous pourrez poser davantage de questions aux intervenants. Nous avons également retenu vos suggestions pour améliorer la convivialité entre nous. C’est ainsi que nous prendrons un verre de l’amitié, ensemble, en fin de journée samedi.

Programme dense et stimulant que je voudrais placer sous le regard d’un homme dont nous célébrons cette année le cinquantième anniversaire de la mort. Un homme qui ne prétendait pas fonder une école philosophique (« je ne suis pas le chef de rayon du personnalisme » disait-il), encore moins créer un parti politique, mais qui a profondément marqué beaucoup de ceux qui sont ici aujourd’hui ; qu’ils l’aient connu (quelques-uns) où qu’ils l’aient lu (beaucoup). Je veux parler d’Emmanuel Mounier. Non pour l’annexer, à quel titre ? Non pour ratifier toutes ses prises de position : il avait trop conscience des risques de l’engagement temporel pour prétendre avoir toujours raison. Seulement pour rappeler l’enracinement chrétien – soyons même plus précis, catholique – de toute son action. Il peut paraître étrange que l’auteur de « Feu la chrétienté » qui a combattu sans relâche toute confusion entre le politique et le religieux, ait été animé à ce point, toute sa vie, par sa foi en Jésus-Christ. Pourtant, c’est ainsi. Et c’est une leçon pour nous. C’est précisément dans « Feu la chrétienté » que Mounier écrit ceci : « Plus audacieusement s’engage le chrétien, plus s’impose à lui le devoir de surveiller et d’entretenir la rigueur de son christianisme ». Que cette phrase serve d’exergue à notre recherche collective sur le travail et la vie.

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