Dossier Rencontres anuelles

L’envoi des Rencontres du christianisme social

Dimanche 4 Novembre 2018 – Les rencontres du christianisme social

Avec Henri-Jérôme Gagey, vicaire général du diocèse de Créteil et professeur émérite à l’Institut Catholique de Paris et Dominique Quinio, présidente des Semaines sociales de France.

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Henri-Jérôme Gagey : Je remercie Dominique Quinio et les personnes en charge de la préparation de cette session pour la confiance qu’elles me montrent en me demandant d’assurer cet envoi. Dans une première partie, j’exposerai pourquoi, à mon sens, nous vivons un moment favorable pour une reprise du Catholicisme social. Dans un deuxième temps, je reviendrai sur la « question éternelle » de la référence du catholicisme social et donc des SSF à l’Évangile et la tradition de l’Église comme ses sources et ressources.

Donner des mains à l’Evangile ; inventer la société

Parler de christianisme social c’est évoquer une nébuleuse de communautés et de mouvements qui partagent cette conviction forte : l’Évangile ne peut être authentiquement partagé et vécu si ceux qui s’en réclament et l’annoncent ne réalisent sous une forme anticipée la promesse de salut dont il est porteur. Autrement dit, s’ils ne donnent des mains à l’Évangile.

Évangéliser, ce n’est pas d’abord ni seulement communiquer un message et partager des convictions, comme pourrait le faire penser une concentration exclusive sur la figure de l’évangélisateur que représente Paul dans sa rencontre avec les sages athéniens sur l’Agora. D’autres figures existent, par exemple celle du ministère de Jésus décrit par Pierre en Actes 10 :

Vous savez ce qui s’est passé à travers tout le pays des Juifs, depuis les commencements en Galilée, après le baptême proclamé par Jean : Jésus de Nazareth, Dieu lui a donné l’onction d’Esprit Saint et de puissance. Là où il passait, il faisait le bien et guérissait tous ceux qui étaient sous le pouvoir du diable, car Dieu était avec lui.

Mais on peut aussi penser à la réponse donnée par Jésus aux disciples de Jean-Baptiste venus lui demander « Es-tu celui qui doit venir ? » :

« Allez annoncer à Jean ce que vous entendez et voyez : Les aveugles retrouvent la vue, et les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, et les sourds entendent, les morts ressuscitent, et les  pauvres reçoivent la Bonne Nouvelle. Heureux celui pour qui je ne suis pas une occasion de chute ! » (Mt 11, 4-6).

Ici évangéliser c’est aussi (d’abord ?) susciter une rencontre qui touche les coeurs et les corps et permet de reprendre vie ; c’est porter une Parole qui remet son auditeur en vérité avec son existence jusque et y compris dans sa dimension somatique. À la fin du XIXe et tout au long du XXe siècle, ce fut la force du christianisme social de faire entendre que si les deux commandements de l’amour de Dieu et de l’amour du prochain sont inséparables, alors la dimension du service et de l’engagement social est intrinsèque à la vie chrétienne, comme le rappelait Benoît XVI dans Deus Caritas est, paragraphe 25a :

« La nature profonde de l’Église s’exprime dans une triple tâche : annonce de la Parole de Dieu (kerygma-martyria), célébration des Sacrements (leitourgia), service de la charité (diakonia). Ce sont trois tâches qui s’appellent l’une l’autre et qui ne peuvent être séparées l’une de l’autre. La charité n’est pas pour l’Église une sorte d’activité d’assistance sociale qu’on pourrait aussi laisser à d’autres, mais elle appartient à sa nature, elle est une expression de son essence elle-même, à laquelle elle ne peut renoncer. »

Le catholicisme social a suscité ainsi d’innombrables mouvements et associations qui – du Secours Catholique aux coopératives laitières du haut Doubs et du Jura, de la Jeunesse ouvrière chrétienne aux Petits frères de pauvres – s’employèrent à donner corps à cette intuition. Mais nous venons d’une époque pas très éloignée où cette intuition a été mise en question ce qui a causé comme une éclipse de l’idée de catholicisme social.

Les plus anciens parmi vous se souviennent sans doute du temps où, pour prendre distance vis-à-vis d’un cléricalisme solidaire d’une vision pré-moderne du monde, certains militants catholiques ont récusé à partir des années 50 la prétention de l’Église à intervenir directement dans la société en gérant une multitude d’oeuvres telles que des hôpitaux ou des écoles catholiques. C’étaient, disaient-ils, pour l’Église courir le risque d’être accusée de chercher à récupérer le rôle dominant qui avait été le sien dans la vieille chrétienté, en se détournant de sa mission essentielle d’annonce directe de l’Évangile. Il fallait selon eux que l’Église renonce à ces activités qui ne lui étaient pas essentielles et que les chrétiens se contentent de travailler au coude à coude avec leurs compagnons d’humanité à la recherche du bien commun.

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