Dossier Rencontres anuelles

Une relecture du projet européen

Samedi 18 Novembre 2017 – Quelle Europe voulons-nous ? – 92ème session.

Avec Enrico Letta, ancien premier ministre italien, doyen de l’école des affaires internationales de Sciences Po Paris, président de l’institut Jacques Delors.Président de séance : Jean-Baptiste François, journaliste à La Croix.

—-

Jean-Baptiste François : Nous allons vous demander tout à la fois de défendre l’Europe et d’avoir un propos critique. À quel moment de l’Europe sommes-nous ? N’est-elle pas en crise d’adolescence ?

Enrico Letta : Je vais vous raconter un petit épisode lié à mon enfance strasbourgeoise. Quand je suis devenu premier ministre en Italie, j’ai tout de suite fait un voyage européen Bruxelles-Paris-Berlin deux jours après l’élection pour donner tout de suite l’idée que c’était là mon âme et ce que je voulais pour mon pays. Quand j’arrive à l’Élysée, le président de la République sort une lettre qui provenait de mon institutrice de l’école de la rue Brûlée à Strasbourg, où il était écrit « Monsieur le président de la République, vous pouvez faire confiance à ce jeune homme, il a été élevé selon de bons principes, vous pouvez donc travailler avec lui. » Je conserve cette lettre dans mon cœur.

Je vais vous proposer une réflexion sur le futur de l’Europe en partant du grand changement que nous sommes en train de vivre, ce qui va nous aider à comprendre les problèmes et les difficultés auxquels elle est confrontée et pourquoi nous sommes tous dépaysés dans ce monde d’aujourd’hui.

Je commencerai avec le raisonnement que nous avons fait au Vatican. Le cardinal Marx, allemand, président de la COMECE, Commission des Épiscopats de la Communauté européenne, a organisé une rencontre avec le pape – il y avait une délégation française importante. Nous nous sommes interrogés sur le changement que nous vivons et nous avons finalement trouvé une des clés importantes de ce changement. C’est une clé qui fait un parallèle entre l’histoire de l’Europe et le choix des papes. L’Esprit Saint existe dans le choix des papes et dans l’évolution de l’histoire. Prenons les trois papes de ces 70 dernières années. Le pape Roncalli, Jean XXIII, le pape Wojtyla, Jean-Paul II, le pape Bergoglio, François. Le premier, un italien, européen de l’Europe des pères fondateurs, père du Concilio vaticano, le père de la paix entre l’est et l’ouest, d’un monde marqué par cette séparation ; Jean-Paul II, le pape venu de l’est, qui a anticipé la chute du communisme et la réunification des deux Europe ; le pape François, venu de la fine del mondo, du « bout du monde », premier pape non européen et qui nous parle avec un langage tout à fait différent dans un monde qui n’est plus euro-centrique. Cette petite évolution historique, l’histoire des papes, leur magistère et ce que nous sommes aujourd’hui nous font comprendre quel est le grand cadre sur lequel nous devons raisonner.

[…]

Téléchargez le texte de la conférence

Les plus récents

Voir plus