Dossier Rencontres anuelles

L’évolution de la question sociale

Vendredi 2 Novembre – Rencontres du christianisme social

Avec Florent Gueguen, directeur de la Fédération des acteurs de la solidarité et Jacques Le Goff, ancien inspecteur du travail et professeur émérite de droit public de l’Université de Brest. Patrice Obert, président des Poissons Roses, s’est proposé pour remplacer en dernière minute Aurélien Taché, député LREM du Val d’Oise.Modératrice de la table-ronde : Mélinée Le Priol, journaliste au journal La Croix

Pour l’instant, seule l’intervention de Jacques Le Goff est disponible. Nous ajouterons les deux autres dès que nous les recevrons.

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Mélinée Le Priol : Nous allons aborder lors de cette table-ronde l’évolution de la question sociale, à travers trois primes : la solidarité avec Florent Gueguen, directeur de la Fédération des acteurs de la solidarité, le travail avec Jacques Le Goff, qui été inspecteur du travail pendant 10 ans et qui est professeur émérite de droit public à l’Université de Brest, et enfin le politique, avec Patrice Obert, président des Poissons Roses. Selon vous, comment cette question se pose-t-elle aujourd’hui en France ? Quels en sont les urgences et les enjeux ?

Jacques Le Goff : Ce titre indique bien la position centrale du travail entre la société, lieu d’exercice des solidarités et le politique, son agent organisateur, soit donc entre deux figures de la solidarité : côté société, la solidarité chaude et côté Etat, la solidarité froide, d’un côté, cette forme de solidarité spontanée qui se noue sur un mode interpersonnel entre des visages au sein des familles, des réseaux amicaux, des syndicats…, et de l’autre, celle qui emprunte les voies institutionnelles du droit social par nature impersonnel. Ici, les visages, là, des masques. Le moteur de la solidarité est à deux temps, tous deux indispensables. Et on le voit bien à propos du chômage face auquel la solidarité vive demeure insuffisante.

Le fait est que le travail est redevenu une question centrale après la séquence des années 1980-2000 où l’on a cru à son reflux et même à la « fin du travail » (Jeremy Rifkin). J’en veux pour preuve la pléthore d’ouvrages sur ce thème (en moyenne un par mois), ou encore l’annonce par le journal La Croix d’un supplément de 3 semaines, de la mi-novembre à mi-décembre sur « Les métamorphoses du travail ».

Comment donc s’expliquer ce que j’ai appelé le « retour en grâce » du travail ? Il y a trois raisons principales à cela.

  1. La persistance du chômage, un chômage structurel de près de 10% de la population active (2,450,000 demandeurs d’emploi, en réalité 5,649,000 si l’on intègre toutes les catégories) qui crée vis-à-vis de l’emploi, du travail, une forte attente particulièrement pour les non-qualifiés, les plus touchés (18% des non-qualifiés contre 8% des qualifiés). Avec cette double conséquence de faire apparaître, pour tous, le travail comme un bien précieux et d’induire, du moins en principe, un impératif de solidarité vis-à-vis des catégories concernées.
  2. Et cela d’autant plus que l’avenir du travail est plutôt sombre. Selon certains augures le numérique, l’intelligence artificielle, la robotique devraient révolutionner l’activité en affectant 50% des emplois. Pour Bruno Teboul, spécialiste du numérique, « la vague d’automatisation qui s’annonce sera un véritable tsunami ». Illustration spectaculaire, en Chine : l’impression en 3D d’un immeuble complet de 6 étages ! ; c’est aussi la suppression des postes mécanisables (guichetiers, caissiers, réceptionnistes) pouvant correspondre à de hauts niveaux de compétence tels les emplois de notaires, avocats et même juges. Aux Etats-Unis, de jeunes avocats ne trouvent pas de travail. La raison ? L’ordinateur Watson d’IBM peut livrer en quelques secondes une analyse sur des dossiers de moyenne complexité et avec un taux de pertinence de 90 %. Il en va de même des diagnostics médicaux… Enfin, on estime qu’aux Etats-Unis, la voiture et le camion autonomes menaceraient 4,1 millions d’emplois. Le rêve d’une société sans travail vire plutôt au cauchemar. Avec réactualisation de l’interrogation d’Emmanuel Mounier en 1948 : « Mais que ferons-nous quand nous ne ferons plus rien ? ».

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