Dossier Rencontres anuelles

L’Europe et ses frontières : défendre, accueillir

Dimanche 19 Novembre 2017 – Quelle Europe voulons-nous ? – 92ème session.

Avec Nicole Gnesotto, professeur spécialiste des questions stratégiques européennes, membre du think tank Notre Europe, vice-présidente de l’Institut Jacques Delors.Président de séance : Philippe Segretain, pilote de la session « Quelle Europe voulons-nous ? »

—-Nicole Gnesotto : Vous m’avez demandé de parler des responsabilités ou de l’inexistence de l’Europe sur les questions de sécurité et de défense. Pendant longtemps, ces questions de défense et de sécurité au sein de l’Union européenne étaient traitées comme des questions techniques, d’experts, assez invisibles, très déconnectées de la vie du citoyen européen. Depuis 1999, il existe en effet une politique européenne de sécurité et de défense, mais son unique objectif est de gérer les crises des autres. Elle n’a aucune compétence pour la défense des territoires et des citoyens européens eux-mêmes. Cette politique a donné lieu à des batailles souvent très dures entre diplomates, entre militaires, pour savoir si nous devions être soumis à l’OTAN ou développer une autonomie stratégique européenne, si nous devions, à l’extérieur de nos frontières, faire uniquement du maintien de la paix ou des opérations de combat – querelles assez picrocholines largement inconnues du citoyen. Et ceci a fonctionné pendant des décennies.

Tout change en 2015, avec les attentats terroristes en France et ailleurs et l’arrivée de plus d’un million de réfugiés en Europe. Les Européens découvrent tout à coup que leur sécurité est illusoire et qu’ils sont entrés dans une ère de grande vulnérabilité. Et c’est ce passage d’une culture de la sécurité à une pratique de la vulnérabilité qui marque le changement profond dans l’attitude des Européens à l’égard des questions de sécurité et de défense. D’ailleurs, à partir de 2015, tous les sondages réalisés dans l’ensemble des pays d’Europe et des pays candidats confirment ce changement. Pour 68 % des citoyens, le rôle de l’Europe sur la scène internationale est souhaité ; la priorité pour la majorité des citoyens n’est plus la prospérité, mais la sécurité. C’est un changement majeur, parce que les chefs d’État et de gouvernement sont désormais obligés de traiter la sécurité non plus comme une question technique, mais comme une question politique, avec des enjeux essentiels dont le premier est bien évidemment la vie et la mort des citoyens européens. Les attentats terroristes que l’on connaît depuis 2015 sont d’une ampleur et d’une nature différente de ce qu’on connaissait : ce sont des nationaux qui tuent des nationaux. C’est donc un enjeu politique considérable, auquel s’ajoute la question des réfugiés, qui sont des victimes, mais sont perçus comme des menaces par une forte minorité de citoyens. L’arrivée des réfugiés nourrit en effet les mouvements anti-européens, populistes, xénophobes, d’extrême droite, et le rejet des réfugiés peut remettre en cause les fondements mêmes de notre démocratie. Pour ces deux raisons, la sécurité est devenue un enjeu politique que les chefs d’État et de gouvernement mettent en premier dans l’ordre du jour des conseils européens.

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