Dossier Rencontres anuelles

Géographie de la solidarité en France et dans le monde

Pierre Calame, directeur général de la Fondation Charles Léopold Mayer pour le Progrès de l’Homme, ancien haut fonctionnaire et chef d’entreprise.

Après avoir été longtemps haut fonctionnaire au service de l’État français, je dirige depuis plus de vingt ans, une fondation internationale, la Fondation Charles Léopold Mayer pour le Progrès de l’Homme. Elle se dédie à la solidarité internationale. Elle ne veut pas séparer la réflexion et l’action : on ne peut avancer que sur ses deux jambes. C’est à la lumière de cette expérience que je voudrais évoquer les nouveaux défis et les nouveaux visages de la solidarité.

Parler de nouveauté, c’est à la fois souligner l’inefficacité de nombreuses pratiques traditionnelles et reconnaître que, face à un monde profondément transformé, il faut traduire d’une autre manière les valeurs auxquelles nous croyons. J’aborderai successivement ces deux angles en commençant d’ailleurs par la conclusion, la manière dont le projet de notre fondation s’est reconfiguré en profondeur au fil des années à partir de ces considérations.

Une réflexion critique sur la solidarité traditionnelle

Si vous allez sur le site web de la fondation, vous trouverez une première affirmation : « une fondation indépendante qui contribue à l’émergence d’une communauté mondiale ». Chaque mot compte. Indépendante : la fondation ne se laisse pas enfermer dans des logiques d’appareils, ceux-ci seraient-ils étatiques, ecclésiaux, ou partisans ou dans le prêt à porter idéologique. Émergence : l’enjeu d’aujourd’hui n’est pas de gérer une communauté instituée mais bel et bien de l’instituer. Communauté mondiale : car les interdépendances entre les sociétés de la planète n’impliquent pas encore la conscience d’une communauté vécue de destin et nos espaces identitaires anciens, qu’ils soient là aussi nationaux ou religieux, ne correspondent plus à la réalité des interdépendances. Vous verrez ensuite que la Fondation voue son action en priorité à trois mutations : l’éthique, avec la recherche de principes communs pour gérer notre unique planète ; la gouvernance, car les modes de gestion de la société ne sont plus adaptés aux défis à relever ; la société durable, car de notre manière de concevoir les sciences et les techniques aux règles de développement de notre économie, tout nous éloigne aujourd’hui d’un monde durable. Mutations, gouvernance : d’un coup nous voilà bien loin des formes de solidarité traditionnelles.

Toujours sur notre site, nous soulignons l’importance du développement d’alliances citoyennes internationales, notamment propres à chaque milieu socioprofessionnel. Nous insistons par exemple sur l’Alliance internationale des militaires qui cherchent à concevoir les relations entre l’armée et la société sur de nouvelles bases; ou encore sur l’alliance d’universitaires ou de journalistes réfléchissant à l’exercice de leur responsabilité sociale, contribuant à la construction d’un nouveau contrat social mondial. Enfin, nous éloignant plus encore des rivages traditionnels de la solidarité, nous mettons l’accent sur les méthodes, sur les conditions dans lesquelles l’expérience de chacun peut se transformer en connaissance, cette connaissance en intelligence collective qui fasse retour aux acteurs de terrain. Là aussi, l’accent est mis sur les conditions de pertinence de l’acte solidaire plutôt que sur la générosité de ses intentions.

Ce projet est le fruit d’un long cheminement. Il part d’une réflexion critique, menée au cours des années 80, sur les formes traditionnelles de la solidarité.

Les impasses d’une compréhension morale de la solidarité

Peut-être faut-il pour commencer revenir à l’étymologie même de ce mot. Il a deux sens. Tout d’abord, celui que donnent les ingénieurs au fait de solidariser, de rendre interdépendantes et mutuellement complémentaires les différentes parties d’une charpente ou d’un édifice. La solidarité, c’est ce qui fait tenir le monde debout. Elle repose non sur des considérations morales mais sur une vision claire de l’intérêt commun dans un monde interdépendant.

La seconde signification de la solidarité, celle qui est utilisée couramment dans le monde ecclésial, est plutôt morale et caritative : l’autre est mon frère et, à ce titre, je suis en mesure de m’identifier à sa souffrance. Je ne peux pas vivre heureux s’il vit malheureux et s’il souffre de handicap. Qui n’adhère rait, à moins d’avoir un cœur de pierre ? Mais l’enfer, comme on le sait, est pavé de bonnes intentions et ce sont les implications concrètes de cette acception morale de la solidarité qui nous ont questionnés. Que l’on ne se méprenne pas sur la critique que je vais faire aux formes traditionnelles de solidarité. Vous connaissez sans doute, dans le livre de l’Exode chapitre 17, cette narration d’un combat des Hébreux contre les Amalécites. Moïse tient au nom de Yawhe son bâton dressé. Tant que le bâton est dressé les Hébreux ont le dessus. Dès que Moïse, sous l’effet de la fatigue, laisse retomber son bras les Hébreux sont refoulés. Cette métaphore m’a beaucoup inspiré dans la vie car j’ai souvent remarqué que ce qui rend le monde vivable, ce qui tient la société debout, c’est une multitude de Moïse anonymes qui portent à bout de bras qui une famille, qui une communauté, qui un quartier. Des gens qui, parfois dans des conditions incroyablement difficiles, avec entêtement et désintéressement, au prix d’une dépense d’énergie et d’une détermination souvent invisibles de l’extérieur, gardent à la société sa vertu d’humanité.

Comment donc exprimer sa solidarité, sa sympathie à l’égard de « l’autre comme moi » ? N’est-on pas tenté de le vouloir comme soi ? Doit-on considérer que son salut physique, économique et moral passe par la reproduction de ce que je suis ? Charles de Condamines, ancien dirigeant de Frères des hommes, avait très bien montré, dans les années 80, que la solidarité internationale menée par les ONG était une transposition terme à terme de la démarche missionnaire d’autrefois, avec le simple remplacement de l’âme par le corps, du salut par le développement. Et Emmanuel N’Dione, sociologue sénégalais de ENDA – Tiers Monde , montrait de son côté la déraison des efforts pour convaincre les associations africaines soutenues par les ONG de développement d’adopter des modes de gestion fondés sur notre principe « un homme une voix » alors que toute la tradition reconnaissait la prééminence des anciens. La solidarité fondée sur « l’autre comme moi » contribue à exproprier les pauvres de leur culture et de leur destinée. La véritable solidarité va vers l’autre irréductiblement différent de moi et lui permet d’être plus lui-même et de disposer des mêmes droits d’accès que moi aux biens rares de la planète.

Les limites d’une solidarité fondée sur le manque et sur l’obsession d’actions concrètes immédiates

Mais il est un autre obstacle, tout aussi sérieux, à cette première forme de solidarité ; on le rencontre aussi bien dans l’action de l’État que dans l’action des ONG. Ce qui justifierait la solidarité c’est ce dont l’autre manque. Simple bon sens, dira-t-on ! Sauf qu’il en découle de sérieuses conséquences pour la stratégie même de l’aide : une personne comme un peuple se développe à partir de ce qu’il a, de son potentiel de réaction et de créativité, pas à partir de ce qu’il n’a pas. La force de l’économiste Mohamed Yunus, le fondateur de la Grameen Bank, ne fut pas d’inventer le micro-crédit : il y en avait avant lui de très nombreux systèmes en Inde et au Bangladesh, sa force fut de théoriser l’idée que faire crédit c’était faire confiance, c’était donc partir des capacités des emprunteurs et non de leurs manques. La troisième limite de cette forme de solidarité est d’être incapable de déboucher sur des stratégies de développement. C’est ce constat qui, dans les années 80, a conduit notre Fondation à un changement radical de politique. Une solidarité obsédée par l’action concrète, visible, ciblée sur les plus pauvres ne peut qu’aboutir, dans une sorte de présent perpétuel, ici et maintenant, à un éparpillement de projets solidaires. Or, comme nous le disions à l’époque, mille projets solidaires ne feront jamais de développement solidaire. De ce présent perpétuel de la solidarité, je veux pour preuve la faiblesse des politiques de capitalisation de l’expérience, comme s’il n’y avait rien à apprendre des projets passés, comme si la générosité de l’acte suffisait à lui conférer sa pertinence. Cette dérive n’est pas propre aux ONG. On la retrouve à l’échelle internationale avec les Objectifs de Développement du Millénaire adoptés par l’ONU ou avec les préceptes normatifs de bonne gouvernance. Comme le font observer mes amis africains, en quoi l’objectif de réduire de moitié la grande pauvreté peut-elle dissuader un jeune Africain de risquer sa vie pour tenter d’émigrer ? Et quand a-t-on vu que des préceptes de bonne gouvernance conduisent à une véritable stratégie de développement ? C’est tellement vrai que les deux tiers de la réduction de la grande pauvreté dans le monde sont imputables à la seule Chine qui est par ailleurs, selon tous les critères promus par la communauté internationale, un modèle de mauvaise gouvernance !

Reconnaître la complexité des interdépendances, rechercher une vérité partagée et conduire des stratégies

Dans ces conditions, l’autre définition plus technique, moins moralisante de la solidarité, celle qui consiste à partir de nos profondes interdépendances, ne serait-elle pas une voie plus solide ? C’est cette idée que semble aussi rejoindre Benoît XVI dans sa récente encyclique, Caritas in veritate, en soulignant la nécessité de rechercher une vérité partagée et de reconnaître la complexité des interdépendances entre les nations à l’échelle du monde.

Nos sociétés, comme le soulignait déjà en 1993 la Plate-forme pour un monde responsable et solidaire, sont confrontées à une triple crise : celle des relations entre les individus, celle des relations entre les sociétés, celle des relations entre l’humanité et la biosphère. Ces crises ne peuvent être surmontées ni par la multiplication de solidarités ponctuelles, ni par l’utopie du grand soir, dont l’histoire a montré les impasses. Benoît XVI souligne l’exigence de vérité. Je mets pour ma part depuis des décennies l’accent sur l’exigence de rigueur de la pensée.

J’utilise souvent à la fondation la formule : « la complexité est une fête ». La complexité, ce n’est pas une complication qui nous écrase, qui met la compréhension du monde contemporain hors de notre portée, qui fait douter de toute action car ses effets pervers, impensés, inattendus ou imprévisibles, viennent contrarier l’intention qui lui a donné naissance. C’est une fête parce qu’elle n’est rien d’autre que l’expression même de la richesse de l’humanité et de l’esprit humain. Ce sont les comportements des systèmes mécaniques qui sont prévisibles, et encore dans certains cas seulement. Quant aux êtres humains, c’est leur capacité de réflexion et de réaction même qui fonde, comme l’a bien dit le financier Georges Soros en parlant de « système réflexif », l’imprévisibilité de nos systèmes .

Complexité et imprévisibilité ne signifient pas pour autant impossibilité de conduire les stratégies. Bien au contraire, elles les rendent plus nécessaires encore. Mais une stratégie n’est pas de la planification. C’est d’ailleurs le drame de la plupart des actions publiques et privées dites de coopération : elles attendent des bénéficiaires de leur générosité de dire d’avance ce qu’ils vont fa i re et parfois, absurdement, dans le détail, comment ils vont dépenser l’argent à deux ou trois ans d’existence. La stratégie, ce n’est pas cela. C’est la combinaison de la vision claire d’où l’on veut aller et d’un art de la marche, l’art de mettre un pas en avant en s’adaptant à chaque instant aux obstacles qui surgissent et aux opportunités qui apparaissent. Deux visions me guident pour concevoir la solidarité : celle des mutations à conduire et celle des échelles auxquelles elle doit s’exercer.

Pour une mutation de nos systèmes de pensée d’abord

Des mutations tout d’abord. Si j’en reste à la définition physique de la solidarité, c’est-à-dire de la solidité de l’édifice mondial, de la cohérence entre les différentes parties du système, il y a de grands soucis à se faire. L’évolution du climat et notre incapacité tragique à poser des actes à l’échelle des évolutions en cours est l’expression même de l’acratie du monde actuel au sens que lui donnait Aristote : une situation où l’on sait que nous devrions changer mais où nous ne trouvons pas en nous-mêmes la force, la capacité, la volonté, l’intelligence de le faire. Mais ce n’est là qu’un symptôme. Notre monde n’est pas solidaire parce que ses parties ne sont pas cohérentes entre elles et il est menacé de ce fait de se disloquer.

Pourquoi cette incohérence malgré la surabondance de nos connaissances techniques et scientifiques ? Parce que notre pensée segmentée, tournée vers l’opérationnel immédiat, tenant en lisière aussi bien les interrogations philosophiques que les perspectives historiques longues, comme s’il s’agissait de sujets sans portée opérationnelle réservés à quelques intellectuels ou esprits spéculatifs, nous empêche de voir ce qui est pourtant là, évident, sous nos yeux : dans les systèmes bio-sociotechniques comme le nôtre toutes les parties du système n’évoluent pas à la même vitesse, ce qui est précisément la définition mécanique de la dislocation.

Nos réalités économiques, techniques, scientifiques ont évolué très rapidement au cours des 150 dernières années avec une accélération depuis la seconde guerre mondiale. La nature, l’ampleur, la complexité de nos interdépendances ont évolué à la même vitesse. Il n’en va pas de même de nos systèmes de pensée et de nos systèmes institutionnels. Les uns et les autres restent héritiers des siècles passés, du 18e et du 19e siècles. Notre université est celle de Von Humbolt, Berlin 1812. Notre État est celui des Traités de Westphalie,1648. Et tout est à l’avenant. Notre pensée économique, prétendument scientifique, repose sur des prémisses qui remontent à Adam Smith et au 18e siècle. L’absence de mise en perspective historique crée un effet de myopie, nous fait prendre pour des réalités éternelles le fonctionnement du libre marché, la démocratie représentative, l’État nation, l’identité et la République une et indivisible, le développement des droits sans les responsabilités équivalentes, la nature et le statut même de l’entreprise. Nous oublions de nous demander quand, comment et pourquoi ces idées et ces institutions ont pris naissance et si elles sont encore adaptées à la réalité d’aujourd’hui. Nous nous demandons encore moins par quoi et selon quelles stratégies de changement à long terme il faudrait les remplacer. Songeons que la plupart de nos débats politiques, si j’excepte l’émergence somme toute récente des questions écologiques, sont restés enfermés dans des débats dont les termes avaient été posés plus d’un siècle auparavant.

Comprenons alors que le premier acte de solidarité, celui dont dépend notre survie, est de redonner de la cohérence au système, de ralentir, si besoin est, ce qui va trop vite – rappelons nous de la levée de boucliers du monde scientifique quand Jacques Testart, éminent biologiste, a proposé un moratoire disant que le rythme des découvertes allait trop vite par rapport à nos capacités à les maîtriser : ses concurrents ont fait courir le bruit que sa proposition venait du fait qu’il était dépassé dans la course à l’excellence scientifique ! – et surtout d’accélérer des mutations qui sont aujourd’hui trop lentes et même renvoyées dans l’impensé tant notre monde est pris dans le tourbillon d’actions opérationnelles dont nous attendons une rentabilité immédiate, y compris pour les gestes de solidarité. De là les trois mutations urgentes que j’évoquais.

Éthique, gouvernance et société durable : trois mutations urgentes

Tout d’abord l’exigence de l’éthique. Le temps n’est plus d’imposer à tous les peuples les valeurs de l’Occident. L’Occident a trop dominé, trop pillé, trop pratiqué le grand écart entre les valeurs proclamées et les actes pour pouvoir se poser en donneur de leçons et en promoteur de valeurs universelles. Par contre, il est une réalité que chacun comprend : parce que nous n’avons qu’une unique planète et qu’elle est peuplée et fragile, nous avons besoin de nous mettre d’accord sur des principes éthiques communs, sur un socle commun. C’est à travers un travail inter-religieux et interculturel respectueux qu’a pu émerger la Charte des responsabilités humaines. La responsabilité est au cœur de l’éthique contemporaine, au cœur de la solidarité car elle est à la fois la face cachée du droit, la condition de la citoyenneté, la conséquence directe des interdépendances, de la liberté et du pouvoir.

La seconde mutation est celle de la gouvernance, de l’art de gérer les sociétés pour parvenir à la cohésion à l’intérieur, à la sécurité à l’extérieur et à l’équilibre entre la société et son environnement. Cette gouvernance de demain est irréductible à l’État nation, mais elle est aussi irréductible à l’idée d’une cohérence mondiale imposée au détriment des diversités. C’est l’art de conjuguer diversité et unité, autonomie et cohérence du local au mondial, qui est au cœur de la gouvernance de demain et la condition incontournable de la solidarité.

Enfin, il nous faut conduire la grande transition vers une société durable. Nous ne le ferons pas, je le dis sans ambages, avec les outils et institutions qui nous servent aujourd’hui à gérer l’économie, qu’il s ‘ agisse de l’entre prise, de l’organisation des marchés ou encore de la monnaie. Si nous voulons créer un monde solidaire, le premier impératif est celui du changement de système de pensée, de l’imagination créatrice, de l’intelligence collective et de l’aptitude à conduire ensemble des stratégies de changement. J’en viens à mon dernier point, celui des échelles de construction des solidarités.

Une nouvelle échelle pour la construction des solidarités

Sans vouloir sous-estimer l’importance historique des États dans l’organisation de la cohésion et de la redistribution, en sous-estimant encore moins l’importance de la construction européenne, à la fois pour elle-même par la création, enfin, d’une paix durable au sein d’une Europe de plus en plus large et comme exemple de dépassement de l’État nation, deux niveaux étonnamment conjoints me paraissent essentiels pour déployer la solidarité : d’un côté, le niveau mondial, de l’autre, le niveau territorial.

Le niveau mondial est évident dans son principe. Il découle de la nature de nos interdépendances. Les interrogations à son sujet portent sur la manière d’y parvenir. Trois idées. D’abord, le mode de construction d’une communauté mondiale. Les grands appareils pyramidaux sont en crise. L’évolution des références culturelles et des moyens techniques, à commencer par Internet, sont entrés maintenant en résonance pour privilégier des approches en réseau. C’est pourquoi notre modèle est celui des alliances internationales citoyennes. Deuxième idée, l’urgence de construire des régulations internationales légitimes. Edgar Morin, dans son discours à l’Assemblée Mondiale de citoyens, en décembre 2001, avait dit : « la planète est devenue un village global, mais sans droit, sans justice et sans régulation ». Il a raison. Où est le droit quand ce sont encore des droits nationaux qui s’appliquent aux acteurs économiques et financiers transnationaux ? Où est la justice quand on ose à peine parler de la dette écologique des pays les plus anciennement développés à l’égard des autres ? Où sont les régulations quand l’accord Bâle 2 qui régit le secteur financier est parti de l’idée que la finance mondiale était trop complexe pour les États et qu’il fallait s’en remettre au sens de la responsabilité des acteurs eux-mêmes, seuls capables de maîtriser une complexité qu’ils avaient savamment créée ? Où sont les régulations quand le président George Bush avait décidé de transférer les équipes de contrôleurs des activités financières, déjà squelettiques, vers la lutte contre le terrorisme ? Enfin, troisième idée, celle de co-construction du bien public. La gouvernance aujourd’hui ne se satisfait ni d’un découpage rigide entre actions privées et actions publiques, ni bien sûr de l’illusion savamment entretenue que les acteurs privés, étant seuls à l’échelle de la mondialisation, sont en mesure de définir eux- mêmes et de gérer le bien commun.

Mais c’est le niveau territorial et son caractère inséparable du niveau mondial sur lequel je voudrais conclure. J’ai expliqué ailleurs que le territoire serait, avec les filières durables de production organisées à l’échelle internationale, l’acteur pivot de l’économie et de la gouvernance au XXIe siècle. L’observation de la réalité du développement aujourd’hui montre que, dans le contexte de la société de la connaissance, ce sont des ères urbaines, des régions qui se développent, qui deviennent des acteurs internationaux majeurs plutôt que les nations elles-mêmes, même si l’effet d’entraînement de ce développement polarisé n’est pas à négliger. De même, comme le montre l’exemple de l’énergie, c’est dans la conception et la gestion des territoires que se joue l’essentiel de la transition vers des sociétés durables. C’est enfin, comme le montre la réflexion et l’expérience des Pactes locaux en France, ou la recherche d’une cohésion territoriale comme on dit de plus en plus dans l’Union européenne, à l’échelle du territoire que se joue l’essentiel de la lutte contre l’exclusion sociale, que se créent les fondements de la cohésion de demain. Ce n’est pas à l’échelle des dispositifs financiers et institutionnels étatiques, nécessairement compartimentés, que l’on peut avoir une véritable stratégie permettant à chacun de valoriser ses potentialités, de sortir de l’inexistence sociale, de créer et développer le capital immatériel décisif pour se développer. Il serait erroné d’opposer le niveau local, territorial, qui serait celui de l’action solidaire, et le niveau mondial qui serait celui de la pensée. Ce serait retrouver les errements du « pensons globalement et agissons localement » qui, sous l’illusion du bon sens, a trop stérilisé la réflexion. La pensée est tout autant nécessaire au niveau local.

Plus un problème est complexe, plus il faut penser avec ses pieds car c’est dans la réalité tangible que vit la complexité et non à des échelles stratosphériques. Et c’est aussi au niveau global qu’il faut savoir agir et penser. Voilà, je crois les nouveaux défis et les nouveaux visages de la solidarité.

Débat

Table des questions* : Il faut le dire, les ‘semainiers’ semblent avoir été déstabilisés par vos propos qui leur ont paru très théoriques. Beaucoup souhaiteraient que vous les précisiez par des exemples concrets fondés sur l’action de la fondation que vous dirigez, par exemple sur les mutations de la gouvernance qui iraient dans le bon sens.

Pierre Calame : Prenons l’exemple de l’Afrique. Le Malien Ousmane Sy, qui a dirigé avec talent la décentralisation au Mali – c’est une des décentralisations les plus réussies d’Afrique – vient de publier un livre, Reconstruire l’Afrique (Reconstruire l’Afrique.Vers une nouvelle gouvernance fondée sur les dynamiques locales, Ousmane Sy, Ed. Charles Leopold Mayer, 2010). On y voit bien à quel point la multiplication des aides internationales à l’Afrique, privées ou publiques, se heurte au fait que la manière dont les pays africains sont gérés aujourd’hui est radicalement étrangère à leur population. En disant cela, on se heurte dans un premier temps à un mur, parce que toutes les institutions internationales, voire européennes, voire françaises – encore que la France ait un peu évolué positivement sur ce point – se bornent à déverser sur l’Afrique des règles présumées universelles de gouvernance qui éloignent encore plus la société africaine de la manière dont elle est gérée.

Que faut-il faire concrètement alors ? Il faut se battre, se battre dans trois directions, d’abord contre l’idée de préceptes de bonne gouvernance imposés. Il faut donc se battre avec la Banque Mondiale, avec la Commission Européenne pour que l’on donne une autre définition de la gouvernance. Il faut faire comprendre que les politiques de solidarité internationale menées sont non seulement inefficaces, mais contre-performantes. Si vous pensez aux profils de gouvernance que vise actuellement l’Union Européenne, c’est à se taper la tête contre les murs ! C’est cela qui fait qu’ensuite les actions de solidarité sont systématiquement inefficaces. Si on ne veut pas le voir, c’est que l’on se cache derrière son petit doigt.

Il y a ensuite la question du pouvoir légitime. Qu’est-ce qu’un pouvoir légitime ? On s’est aperçu qu’il y a un trou dans notre science politique. Dans nos pays démocratiques, on fait comme si un pouvoir légal était forcément un pouvoir légitime. On fait comme si on avait forcément confiance dans ses dirigeants dès lors qu’on les a librement élus. Or toutes les études internationales montrent que les institutions dans lesquelles on a le moins confiance, ce sont justement les institutions politiques. Que l’on m’explique comment ces deux vérités peuvent aller ensemble ! On fait comme si, en fabriquant des élections plus ou moins artificielles en Afrique, on allait permettre que les populations aient confiance dans les politiques et la manière dont ils sont dirigés. Il faut réhabiliter la notion de légitimité. Il faut aider à découvrir que la légitimité en Afrique combine plusieurs formes de légitimité, comme le droit africain connaît plusieurs formes d’ord re juridique. Tant que cet obstacle intellectuel reste, tout le reste est inefficace parce que nous passons notre temps à vouloir faire entrer nos actions dans un cadre lui-même inadapté.

Enfin, il faut aider les Africains à se penser eux-mêmes, à penser eux-mêmes leur propre gouvernance. Et donc, il faut leur permettre – c’est ce qu’a fait la Fondation Charles Leopold Mayer pour le Pro grès de l’Homme – de créer une alliance pour refonder la gouvernance en Afrique. Il s’agit de partir de ce qui se passe au niveau local, de la gouvernance en train de s’inventer de manière extraordinairement créative à la jonction de notre modernité et des traditions africaines. Ce n’est pas avec des projets concrets de trois ans que l’on va arriver à aider les gens à se relier, à prendre la parole, à ce que cette parole ait un poids sur la scène internationale, que les gens s’y reconnaissent, que l’on fasse le lien entre ce que la société elle-même invente et la théorie. Voilà un exemple extrêmement concret du travail sur la gouvernance en Afrique dans lequel s’implique notre Fondation.

Autre exemple : quand nous travaillons avec les Colombiens sur la gouvernance en Colombie, la question centrale est de savoir comment une armée qui s’est construite dans la lutte contre la guérilla peut devenir un outil de construction d’une paix durable. Il faut savoir que le deuxième produit d’exportation en Colombie, c’est le financement des ONG de lutte en faveur des droits de l’homme ! C’est le business des classes moyennes. En quoi cela va-t-il changer la Colombie ? Ce qu’il faut, c’est transformer l’armée. Voilà la solidarité efficace, et non pas de financer la 157e ONG sur les droits de l’homme en Colombie ! Je sais que ces propos risquent de ne pas vous faire plaisir, mais c’est comme ça.

— L’expression « responsable mais pas coupable » ne s’applique-t-elle pas aux responsables politiques des pays développés vis-à-vis des problèmes de développement ?

Je n’ai pas parlé pour ma part de culpabilité. Elle ne m’intéresse pas. Ce n’est pas porteur, la culpabilité. En revanche, la responsabilité l’est. Qu’est-ce donc que la responsabilité aujourd’hui ? Premièrement, je suis responsable des conséquences de mes actes même si je ne peux pas les prévoir. Je ne peux pas me réfugier derrière l’ignorance. Nous ne pouvons pas nous dire : « Ah ! Les découvertes scientifiques sont bénéfiques, malheureusement le pouvoir économique n’en a pas fait l’usage que nous espérions ! Elles ont été reprises par le pouvoir économique… Le changement global du climat, je n’y peux rien ; je ne suis qu’un sur neuf milliards… » Mais si ! Chacun est responsable de son impact sur ces questions, indépendamment de ses connaissances sur cet impact, c’est la base du principe de précaution.

Il y a un deuxième principe fondamental : c’est que nous sommes tous responsables, mais à proportion de notre savoir et de notre pouvoir. Reprenons l’exemple de la Colombie, sur lequel nous avons beaucoup travaillé avec des organisations populaires, notamment à Cali avec des femmes qui portent le monde à bout de bras telles des ‘Moïse invisibles’. Disent-elles « je ne suis pas responsable parce que je suis pauvre » ? Non, ce sont les ONG d’appui à ces femmes qui le leur disent ! Elles, elles se sentent responsables, elles veulent être actrices de leur vie donc responsables. Elles ne demandent pas qu’on les considère comme irresponsables. Mais ce qu’elles demandent, c’est que les puissants assument eux aussi leurs responsabilités ! La responsabilité est bien une question centrale, mais elle n’a pas grand-chose à voir avec la culpabilité.

La troisième dimension de la responsabilité tient à la question de l’impuissance. Puis-je dire que je suis irresponsable parce que je suis petit, si je n’ai pas cherché à m’allier avec d’autres ? Ma réponse est non. Il y a un devoir de construire du pouvoir. La solidarité, ce n’est pas agir à côté, juste à la marge des puissants, c’est se demander comment agir sur le système dominant.

* La séance était présidée par Bernard Chenevez, vice-président des Semaines sociales de France. À la table des questions, Alain Heilbrunn et Luc Champagne, membres du Conseil des Semaines sociales, ont relayé les questions écrites des participants.

— Les principes communs ne pourraient-ils pas être des valeurs communes ? N’y a-t-il pas des valeurs communes à promouvoir ensemble ? Pourquoi semblez-vous remettre en cause, si on vous a bien compris, l’universalité des Droits de l’homme?

Pour moi, la question de la responsabilité est au centre de l’éthique du XXIe siècle. Notre fondation a publié un livre qui montre que ce concept est présent sous des formes différentes, sous des mots différents, dans les différentes cultures. Là, il y a un vrai universel. Pour les principes communs, c’est autre chose. Reprenons l’exemple de la gouvernance : quand on se met à analyser comment les sociétés sont gérées – cela demande du travail – on finit par découvrir des constantes : c’est ce que j’appelle des principes communs et c’est formidable. Ces principes communs sont ce qui permet de résumer l’expérience humaine ; ils forment une aide pour chacun de nous dans sa propre expérience. Mais cela demande du travail intellectuel pour fonder la pertinence de l’action.

Je m’attendais à la question sur l’universalité des Droits de l’homme. Il y a là, je crois, sur ce sujet, une formidable hypocrisie parce que l’on traite sur un même plan les droits politiques – les premiers droits qui peuvent être opposables – et droits sociaux, environnementaux, culturels – qui n’existent pas sans qu’existent des acteurs responsables de leur effectivité. Je crois bien entendu au formidable édifice de la Déclaration universelle des droits de l’homme dont la postérité est extraordinaire. Mais comment ces droits peuvent-ils être effectifs s’ils ne sont opposables à personne ? Savez-vous quel est le continent où les États ont signé le plus de conventions internationales ? L’Afrique ! Les États africains savent que les conventions sont faites pour ne pas être appliquées ou alors ils demandent qu’on leur donne les moyens de les mettre en œuvre.

— Les semainiers ont bien compris que vous essayez de « faire bouger les lignes » en proposant une relecture du mot solidarité. Mais c’est le passage à l’efficacité qui pose question, notamment dans le rapport avec l’ensemble des partenaires, c’est-à-dire nous dans nos démarches personnelles ou collectives, les associations, les politiques, les institutions internationales. Quels engagements chaque partenaire peut-il avoir dans la démarche que vous proposez ?

Il me faut peut-être préciser la démarche d’où est sortie l’analyse des trois mutations dont je vous ai parlé dans mon intervention. Celle-ci n’est le résultat ni d’un brain storming entre experts, ni de ma tête, ni d’une petite équipe de la Fondation. Non, elle est le fruit de dix ans de travail international associant des milliers de personnes de tous les milieux. C’est ce que nous avons appelé l’Alliance pour un monde responsable et solidaire (cf www. alliance21. org). En décembre 2001, nous avons réuni la première assemblée mondiale de citoyens qui ait jamais existé. Non pas qu’il n’y ait jamais eu de réunion internationale mais c’est la première où nous nous sommes imposé des quotas. Il fallait que tous les milieux soient là, des paysans aux élus locaux, des militaires aux entrepreneurs et il fallait que chaque région du monde soit équitablement représentée. Pour entrer dans le détail, nous nous sommes même fixés que la délégation de chaque pays soit proportionnelle à la racine carrée de sa population – c’est l’ingénieur qui parle ! Cela voulait dire que la Chine et l’Inde représentaient 40% des participants. À Davos ou à Porto Alegre, vous voyez de faux mondes. À Davos, presque tous les participants sont blancs et riches ; à Porto Alegre, c’est plutôt le monde du tourisme social alter-mondialiste, avec 80% de Brésiliens ou latino-américains et le reste de francophones. Où sont l’Inde – si j’excepte le forum de Mumbai –, la Chine ?

La question de la façon dont le monde se représente lui-même est essentielle. L’assemblée mondiale des citoyens en 2001, ce furent dix jours de travail pour réfléchir aux défis du monde tels qu’ils sont vus dans les différents pays et les différents milieux, aux questions éthiques que l’on se pose. Les trois mutations que je vous ai présentées sont le résultat de ce travail. C’est là qu’est né l’Agenda 21 pour le XXIe siècle, avec le sens originel du mot agenda en latin, c’est-à-dire ce qu’il faut faire absolument. Ce qu’il faut faire, tout le monde le sait, mais il est important de le mettre en mots. Donc pour répondre à la question « comment nos partenaires sont associés ? », vous le voyez, ils le sont de A à Z dans la définition même de notre stratégie.

— Vos propos sont porteurs d’une forte interrogation sur les institutions : sont-ils entendus et reçus par le monde politique, national ou international ? Comment rejoignent-ils les grandes institutions internationales ?

Les institutions sont des choses très puissantes mais aussi très inertes. Il y a quelques années, j’ai écrit un livre sur la réforme de l’État français . Pour réformer notre État, il faudrait 20 ans d’action continue. J’ai souvent discuté avec des ministres de droite ou de gauche sur la raison pour laquelle ils n’entreprenaient pas cette transformation ; tous ont fait la même réponse : « mais on n’a pas le temps ! ». Ils sont en poste pour deux ans en moyenne, alors ils font des lois – et vous savez que pour 70 % des lois, il n’y a même plus de décrets d’application. Les lois sont devenues pour l’essentiel une variété du discours politique. Or les transformations demandent et prennent du temps. Les mutations dont nous avons parlé ici vont prendre 20 ou 30 ans d’efforts continus, résolus.

Au sein des institutions, les gens entendent les choses. J’en veux pour preuve, à propos de la gouvernance, la publication récente par le Comité des régions d’Europe d’un livre blanc sur la gouvernance à multi-niveaux. Cela signifie que ce réseau, qui représente l’ensemble des régions d’Europe, commence à considérer que la répartition actuelle des compétences entre l’Europe, la nation, les régions, les collectivités locales, cela ne peut pas marcher. C’est ce qu’avec Jérôme Vignon nous avons appelé « remplacer le partage des compétences par l’exercice d’une compétence partagée ». Il a fallu quinze ans pour que cela émerge dans les grandes institutions. Il faut accepter de se battre sur ce dont on ne verra pas l’aboutissement. C’est cela le désintéressement.

Mais ne croyez pas que rien ne se passe. En Afrique, toute la démarche de réflexion de l’Alliance sur le thème de la gouvernance a pénétré. L’OCDE reprend à son compte nos réflexions sur la légitimité. Simplement travailler sur la stratégie de changement des systèmes de pensée, cela a son rythme et son temps. De même pour la stratégie de changement des institutions. La solidarité, c’est aussi la solidarité temporelle de s’engager sur des actions de très long terme.

— Avez-vous été inspiré par ce qu’a fait le Père Wresinski dans ATD-Quart Monde avec son université populaire ?

J’ai effectivement connu le Père Wresinski. Je ne sais pas s’il m’a influencé mais ce qui est certain c’est que nous partageons un certain nombre de convictions communes. Je considère qu’ATD-Quart Monde fait partie des réseaux qui ont profondément renouvelé le regard sur la pauvreté. C’est aussi le cas de Muhammad Yunus pour les mêmes raisons. Il est intéressant de noter que le mouvement international ATD se préoccupe comme nous de méthodes. Dans les universités populaires, ils ont beaucoup travaillé sur la prise de parole, la capitalisation des savoirs, la façon de transformer un vécu quotidien en connaissances. Les fondements spirituels et intellectuels sont en effet les mêmes que pour nous.

L’Alliance mondiale des habitants, par exemple, qui est en train de préparer pour 2011 sa deuxième assemblée mondiale, moment extrêmement fort, a aussi créé une université populaire urbaine : un espace de rencontres entre les apports intellectuels de chercheurs et les capacités de formation des dirigeants locaux. Je me souviens encore, lors de la première assemblée mondiale des habitants à Mexico, de l’intervention d’un dirigeant de l’organisation d’un bidonville ; il disait : « toutes les critiques que l’on fait à nos gouvernants, on peut se les faire à nous-mêmes. On leur reproche d’être paternalistes, autoritaires, etc. Mais nous le sommes aussi, parce que nous baignons dans une société qui l’est ». Il y avait là une richesse et une vérité de réflexion critique. En Afrique, nous avons aussi créé une université populaire paysanne. Car lorsque les paysans sont plus compétents sur les questions de commerce international que les experts de leur propre pays, cela change plus les rapports de force que 150 projets pour les aider. Car les rapports de force, cela compte. Voilà à quoi il faut travailler !

— Les délocalisations vous paraissent-elles scandaleuses ou peuvent-elles avoir des effets positifs ?

Cette question des délocalisations demanderait de longs développements. Je voudrais cependant vous faire observer le changement de discours. Il y a 30 ans, dans les milieux progressistes conventionnels, on reprenait l’antienne marxiste de la paupérisation absolue ; on pensait que le fossé entre les pays riches et les pays pauvres ne ferait que s’accroître et certains avaient prôné la déconnexion. Quelle est la réalité aujourd’hui ? C’est le G2 États-Unis/Chine ! Cela veut bien dire que la redistribution de la richesse du monde est concrètement en route. Du coup, on n’est plus d’accord. Il faudrait savoir ce que l’on veut !

Mais il y a bien aujourd’hui un enjeu historique. Et il est essentiel de comprendre que sans un partage équitable de la ressource pétrolière, nous allons à la guerre ! On reproche aux Chinois de ne pas respecter les clauses des droits de l’homme, de traiter avec des dictateurs. Pendant ce temps-là Sarkozy dîne avec Ali Bongo… Il ne faut donc pas se raconter des histoires. Il est certain que les Chinois sont les derniers arrivés dans le monde des pays développés et qu’ils ont besoin de conquérir des ressources pétrolières; ils le feront à tout prix. Si on ne partage pas par la paix, on le fera par la guerre. C’est ce qu’il faut comprendre.

Sur les délocalisations, le problème est très compliqué. En quelques mots, il faut surtout dire que le problème est que le fardeau et la souffrance retombent toujours sur les mêmes, sur le même groupe social : la main d’œuvre de production faiblement qualifiée. Deux grandes catégories sont épargnées : celle qui a les capacités culturelles, les diplômes pour travailler dans le commerce international – les pro-européens qui ont fait Erasmus et parlent anglais par exemple – et à l’autre bout la grande catégorie de la population protégée : les services publics , les services à la personne et tous ceux qui bénéficient de la redistribution dont on a parlé précédemment. Mais il faut en être bien convaincu : il va falloir partager les ressources ! Les délocalisations nous le rappellent. N’imaginons pas que l’on va bâtir un monde équitable en gardant notre mode de vie ; c’est complètement contradictoire avec les faits.

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