Dossier Rencontres anuelles

Fil rouge théologique et spirituel – session 2018 – partie I

Vendredi 2 Novembre 2018 – Rencontres du christianisme social

Fil rouge théologique et spirituel autour d’une figure mystique et spirituelle majeure du XXe siècle : Madeleine Delbrêl.

Par Jean-Pierre Gay et Gisèle Renard, membres de l’Association des Amis de Madeleine Delbrêl et accompagnés en musique par Caroline Carlier et Romain Brizemur.

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Jean-Pierre Gay : Sur la plaque apposée sur le mur de la maison où Madeleine Delbrêl vécut avec ses « équipières », il est écrit : « poète, assistante sociale et mystique ». Ces trois mots disent déjà l’originalité du parcours de Madeleine. Elle avait du talent pour écrire : elle a su le mettre au service de son engagement social à Ivry et au service de son témoignage de croyante au milieu d’un monde loin de la foi chrétienne.Difficile de se laisser guider par elle sans commencer par « Nous autres gens des rues » : il s’agit d’un article publié dans les études carmélitaines en 1938 où elle rend compte de leur expérience de « laïcs de la banlieue décidées à vivre l’Evangile sans restriction. » C’est pendant la guerre de 39-45 que ce texte va circuler et inspirer différents acteurs de la mission, notamment la JOC et la Mission de France… Mais écoutons Madeleine !

Gisèle Renard : Il y a des lieux où souffle l’Esprit ; mais il y a un Esprit qui souffle en tous lieux.Il y a des gens que Dieu prend et met à part.Il y en a d’autres qu’il laisse dans la masse et qu’il ne « retire pas du monde ». Ce sont des gens qui font un travail ordinaire, qui ont un foyer ordinaire ou sont des célibataires ordinaires. Des gens qui ont des maladies ordinaires, des deuils ordinaires. Des gens qui ont une maison ordinaires, des vêtements ordinaires, ce sont les gens de la vie ordinaire. Les gens qu’on rencontre dans n’importe quelle rue.Ils aiment leur porte qui s’ouvre sur la rue, comme leurs frères invisibles au monde aiment la porte qui s’est refermée définitivement sur eux.Nous autres gens de la rue croyons de toutes nos forces, que cette rue, que ce monde où Dieu nous a mis est pour nous le lieu de notre sainteté.Nous croyons que rien de nécessaire ne nous y manque, car si ce nécessaire nous manquait, Dieu nous l’aurait déjà donné.

Jean-Pierre Gay : Suivent des méditations autour de 4 mots qui reviendront souvent dans l’oeuvre de Madeleine : on y reconnait des piliers de la vie contemplative : le silence, la solitude, l’obéissance, l’amour ; nous nous arrêtons sur ce dernier : l’amour…

Gisèle Renard :Nous autres, gens de la rue, sommes bien sûrs que nous pouvons aimer Dieu autant qu’il a envie d’être aimé de nous.Nous ne pensons pas que l’amour soit chose brillante, mais chose consommante et que faire de grandes actions pour Dieu nous le fait moins aimer que de faire de toutes petites actions avec lui et comme lui.D’ailleurs, nous pensons être très mal informés sur la taille de nos actes. Nous ne savons que deux choses : la première, que tout ce que nous faisons ne peut être que petit ; la seconde, c’est que tout ce que Dieu fait est très grand.Cela nous rend tranquille devant l’action. Nous savons que tout notre travail consiste à ne pas gesticuler sous la grâce, à ne pas choisir les choses à faire, et que c’est Dieu qui agira pour nous.Parce que nous trouvons dans l’amour une occupation suffisante, nous n’avons pas pris le temps de classer les actes en prière et en action. Nous trouvons que la prière est une action et l’action une prière.Il nous semble que l’action vraiment amoureuse est toute pleine de lumière. Il nous semble que devant elle, l’âme est comme une nuit toute attentive à la lumière qui va venir. Et quand la lumière est là, la volonté de Dieu clairement comprise, elle la vit tout doucement, tout posément regardant son Dieu s’animer et agir en elle…Il nous parait que l’action, parfaitement accomplie là où elle est réclamée de nous, nous greffe sur toute l’Église, nous diffuse dans tout son corps, nous fait disponibles en elle. Nos pas marchent dans une rue, mais notre cœur bat dans le monde entier.Chaque acte [livré à la volonté de Dieu] nous fait recevoir pleinement Dieu et donner pleinement Dieu dans une grande liberté d’esprit. Alors la vie est une grande fête.Chaque petite action est un événement immense où le Paradis nous est donné, où nous pouvons donner le Paradis.Qu’importe ce que nous avons : un balai ou un stylo à tenir ; parler ou se taire ; raccommoder ou faire une conférence ; soigner un malade ou taper à la machine. Tout cela n’est que l’écorce de la réalité splendide, la rencontre de l’âme avec Dieu, à chaque minute renouvelée, à chaque minute accrue en grâce, toujours plus belle pour son Dieu.On sonne, vite allons ouvrir. C’est Dieu qui vient nous aimer. Un renseignement ?Le voici : c’est Dieu qui vient nous aimer. C’est l’heure de se mettre à table : allons-y : c’est Dieu qui vient nous aimer. Laissons-le faire.

[…]

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