Dossier Rencontres anuelles

Conclusion Session 2006

Par Michel Camdessus

Chers Amis,

Peut-être que, comme moi, vous aimeriez laisser reposer dans vos esprits et vos cœurs les paroles de Jean-Baptiste de Foucauld. Il y a des moments où le silence s’impose mais où, pourtant, le programme vous indique qu’il faut parler. J’aimerais que mes conclusions restent sur une tonalité suffisamment modeste pour que ce soit surtout l’écho de sa voix et de ses réflexions que vous emportiez avec vous ce soir. Quatre remarques terminales qui n’osent prétendre être des conclusions.

Le pari des 12 propositions

Qu’avons-nous fait au cours de ces trois jours ? Tout simplement ce que les chrétiens ont toujours tenté de faire, dès le lendemain de la Pentecôte : confronter les exigences de leur foi aux données de leurs sociétés pour tenter d’y introduire plus de justice, leur regard lui-même évoluant, s’aiguisant au fil des événements, s’enrichissant dans le dialogue avec toutes les cultures. Nous nous proposions de faire que cette Semaine sociale soit plus régionale et concrète. Grâce à l’énorme travail des antennes, de vous tous, et de Bernard Ibal, nous y sommes parvenus. Il est délicat de séparer la France du reste du monde, alors que cette semaine a voulu dénoncer des frontières périmées encore très prégnantes, mais à la veille des présidentielles, il fallait aborder de front les injustices de notre pays, interpeller les principales forces politiques et partager avec elles nos convictions. Je remercie les quatre personnalités politiques qui nous ont rejoint, pour leur disponibilité et leur attitude d’ouverture à l’égard des Semaines Sociales. Je pense que cette rencontre a été précieuse. Nous avons été soucieux d’élaborer des propositions. Nous l’avons fait au mieux de nos moyens et je me réjouis de cette grande première – la remontée des 600 propositions – et du formidable travail des neuf ateliers d’hier dont il nous a été si bien rendu compte ce matin. Tous et chacun ont mérité vos applaudissements.

Nous repartons avec des propositions qui ne sont ni d’un parti, ni d’un mouvement, mais qui seront un instrument utile pour faire en sorte que la justice soit au cœur du débat présidentiel. Il n’est pas certain que nous y parvenions, mais nous pourrons intervenir « à temps et à contretemps » pour qu’elle y soit et nous organiserons rencontres, débats, interpellations de toutes sortes pour que nos propositions alimentent ce débat. Il y a un instant, l’un d’entre vous me disait : « Dès demain matin, j’appelle mon député et mon maire… ». Cela, nous le ferons en tant que citoyens chrétiens prêts à nous joindre à toute initiative pour le renforcement de la dignité et des droits des plus défavorisés, pour rendre notre démocratie plus participative et faire en sorte que leur voix s’y exprime, toujours prêts aussi à bousculer cette frontière périmée entre les Nords et les Suds, cette frontière qui continue de faire de la misère du monde une affaire étrangère.

« La question sociale est devenue mondiale »

Combat donc dans le concret pour la justice. Cela passe, dans la société d’aujourd’hui, par un effort particulier de discernement des situations d’injustice et cela s’exprime dans l’accompagnement des plus défavorisés comme dans l’effort pour substituer des structures de fraternité aux structures du pêché. Accompagnement, discernement : deux mots clés de cette semaine.

Car – et c’est ma seconde remarque – un des traits majeurs de cette semaine est la vigueur avec laquelle la constatation si simple de Paul VI est remontée à la surface : « La question sociale, disait-il, est devenue mondiale ». Il est grand temps que nous en tirions plus sérieusement les conséquences. L’une d’elles, la plus essentielle évidemment, est qu’il n’y a plus injustices du Nord et injustices du Sud, comme Pascal Lamy l’a justement souligné. Les liens complexes et inextricables de la mondialisation font, pour le meilleur ou pour le pire, que la pauvreté du Sud nous est une question intérieure. Cela, pas seulement parce qu’il y aura bientôt 1,5 à 1,8 milliard d’habitants en Afrique, alors que la moitié de sa population a moins de quinze ans, mais parce que les liens qui unissent les peuples du Nord et du Sud rendent leurs destins profondément solidaires, même si l’État-Nation westphalien vit encore dans l’illusion de sa souveraineté de « molécule de base » pour reprendre encore le langage de Pascal Lamy. Au lieu donc de rester emprisonnés dans des conceptions qui deviennent de plus en plus des fictions, cherchons à imaginer et à mettre en place tout un appareil de « fertilisations croisées » dont Rubens Ricupero nous a apporté le concept et quelques exemples, et dont deux ou trois de nos propositions peuvent être de bons instruments : un statut humain de l’immigré, le co-développement, le respect intransigeant de la parole donnée pour le développement du Tiers-monde.

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