Dossier Rencontres anuelles

Les faits marquants du dimanche matin-session 2002

Synthèse du dimanche matin de la session 2002 des Semaines Sociales de France, « La violence, comment vivre ensemble ? ».

Les participants se sont pressés pour assister à la messe présidée par Monseigneur Ricard, président de la conférence des évêques de France. Dès neuf heures du matin, la salle Berlioz est comble. Aux côtés de l’archevêque de Bordeaux : Michel Sabbah, le patriarche latin de Jérusalem, et Gilles Nicolas, le vicaire épiscopal d’Alger.

Jean-Pierre Ricard remercie chaleureusement les deux hommes pour leur présence, ainsi que François Blaess, prêtre-doyen d’Issy-les-Moulineaux. Il ne manque pas de saluer la mémoire d’Henry Bussery, père jésuite et ancien membre du conseil d’administration de SSF, et de Joseph Folliet, secrétaire général des SSF dans les années 50.

Cette célébration eucharistique est l’occasion de revenir sur le thème qui est au cœur des débats depuis trois jours : la violence. Aux yeux de Jean-Pierre Ricard, « les Ecritures dénoncent moins l’irruption de ce sentiment dans l’existence de l’homme que la place qu’il lui laisse ». « L’homme qui se laisse aller à la peur peut passer au sentiment de violence », ajoute l’archevêque. Le pire devient alors possible, et c’est la porte ouverte à l’intolérance.

Face à cette peur, la religion n’oppose pas le courage, mais la confiance. « Le secret de cette confiance, c’est la présence de Dieu dans nos vies », explique-t-il. « L’amour nous permet d’échapper à la spirale de la violence dans laquelle nous pourrions rester enfermés ».

A la fin de la cérémonie, l’archevêque de Bordeaux remercie une nouvelle fois les nombreux prêtres qui y ont participé, ainsi que Marcel Dazin, compositeur, et Florence Bellon, flûtiste, qui l’ont animée. La messe se termine sous les applaudissements des participants.

Après une courte pause, les débats commencent, présidés par Jérôme Vignon, membre du Conseil des Semaines sociales. Charles Rojzman est le premier invité. Au début de sa carrière, il a abordé la violence par le biais de la Shoah. Puis le psychothérapeute s’est penché sur le monde des banlieues. En France, mais aussi aux Etats-Unis. Il est spécialisé dans la gestion des conflits et dans leur résolution.

« On dit que je suis pessimiste, car je crois voir les dangers qui nous menacent, mais je suis un pessimiste actif », prévient-il dès le début, un brin provocateur.

Il propose trois définitions pour la violence : c’est un défi, un symptôme et une solution. Un défi, car il s’agit de trouver une réponse. Un symptôme, car la violence montre que la société est malade. Et une ultime solution pour des gens qui se sentent démunis face au monde.

Il s’agit donc de surmonter cette violence. Mais les obstacles sont nombreux : le refus des responsabilités individuelles. Une vision manichéenne de la société qui est un frein à l’action, car elle empêche tout dialogue. La troisième difficulté réside dans un cloisonnement entre les pensées, alors qu’il faudrait apporter une solution globale.

Mais d’où vient cette violence ? Pour Charles Rojzman, elle s’explique par une crise de l’autorité, visible dans les familles comme dans les institutions. Ces dernières sont aussi en crise. Le lien social se délite, le travail et ses valeurs ne sont plus respectés. Une situation qui débouche sur des dépressions, un sentiment paranoïaque et une hausse de la violence.

Mais derrière ce sombre constat se cachent des solutions. « Le changement ne peut se faire qu’en groupe », prévient le thérapeute social. Il propose de créer des groupes de travail hétérogènes qui permettent de mettre les gens en situation de conflit. « C’est ainsi qu’on peut créer de l’intelligence collective », affirme-t-il. Charles Rojzman, en effet, n’aime guère le terme de tolérance. Il préfère mettre en présence des gens aux opinions opposées. Elles peuvent ainsi se confronter, s’affronter, et trouver ensemble des solutions, plutôt qu’éluder les problèmes. Premiers concernés, les professionnels qui vivent dans des quartiers difficiles. Policiers, enseignants, travailleurs sociaux, élus, membres d’institutions… Ils peuvent partager leurs expériences et avancer ensemble.

« Avant, on disait : socialisme ou barbarie. A présent, il faudrait dire sociabilité ou barbarie. Il va falloir changer, ou nous risquons d’être détruits par la violence », a prévenu Charles Rojzman pour conclure.

Lors du débat, les questions, synthétisées par Agnès Rochefort-Turquin et Jean-Pierre Rosa, fusent. Dans son intervention, Charles Rojzman n’a pas évoqué l’Eglise, pourtant en crise « Elle connaît les mêmes difficultés que les autres institutions », reconnaît-il. « Il existe une soif de changement, mais des structures restent archaïques. » Un participant se demande si la hausse de la violence n’est pas due à l’installation d’immigrés non européens en France. Une question qui provoque un mouvement d’indignation dans la salle. Mais le thérapeute ne s’offusque pas. Pour lui, il faut entendre toutes les opinions, même extrémistes, car elles contiennent des interrogations et des peurs qu’il faut prendre en compte si on veut trouver des solutions.

A peine Charles Rojzman a-t-il quitté la tribune que la seconde conférence commence. A présent, c’est Jean-David Levitte qui prend la parole. Le représentant permanent de la France au Conseil des Nations Unis, vient présenter l’action de cette institution face à la violence. Il s’agit de « favoriser l’émergence d’une conscience universelle, d’aider au progrès économique et social. Le Conseil de sécurité de l’ONU contribue aussi à la paix et à la sécurité ».

La mise en place d’un ordre juridique mondial, avec l’adoption de grands textes, « est le domaine où l’ONU a le mieux réussi », affirme Jean-David Levitte. Il donne en exemple la déclaration universelle des Droits de l’Homme en 1948, ou les protocoles protégeant les enfants du travail et de la guerre.

A présent, de nouveaux chantiers sont en cours. Les Nations Unies défendent l’abolition de la peine de mort, le désarmement, ou encore la mise en place d’une justice universelle. Après les guerres au Rwanda et en Yougoslavie, le Conseil de sécurité a créé des tribunaux pour juger les criminels de guerre. Et depuis juillet dernier, la création de la Cour pénale internationale permet de juger les responsables de génocide et de crime contre l’humanité. Une institution mise en place malgré l’opposition des Etats-Unis.

La deuxième mission de l’ONU est l’aide aux développement, à travers l’Unicef, le HCR ou l’OMS. « Aujourd’hui, les grandes institutions financées par les Etats sont concurrencées par les ONG. Cette situation est saine. Elle montre que la société civile souhaite porter sa part du fardeau » se réjouit l’ambassadeur.

Enfin, le rôle du Conseil de sécurité dans la prévention de la violence s’est développé après la chute du bloc soviétique. Les premières interventions, au Sierra Leone par exemple, ont été difficiles. Mais il a aussi connu des succès, comme au Timor Oriental. Depuis, le Conseil gère des missions de paix dans le monde entier. Cette année, 47000 casques bleus sont engagés dans le monde. Pour finir, l’ambassadeur a rappelé le rôle essentiel des Nations Unies. « Si elles ne s’occupent pas de ces conflits oubliés, personne ne le fera. »

La prestation de Jean-David Levitte, applaudi avec enthousiasme, a suscité de nombreuses questions. L’auditoire des Semaines sociales de France a profité de la présence de l’ambassadeur de l’ONU pour l’interroger notamment sur la place des Etats-Unis dans cette organisation. Le diplomate s’est empressé d’expliquer que cette relation USA/ONU est « au cœur même de la définition de l’ordre du monde d’aujourd’hui ». Sans les Etats-Unis, l’ONU n’aurait plus aucun sens. A charge donc pour les autres membres des Nations Unis de faire en sorte que « les USA restent un partenaire actif et heureux d’y travailler ». D’où l’importance des négociations, parfois longues et difficile, qui ont lieu dans le cadre de l’ONU entre la première puissance mondiale et ses partenaires européens. Jean-David Levitte a ainsi évoqué les 8 semaines d’âpres discussions entre les Etats-Unis et les autres membres du conseil de sécurité pour que le problème de l’Irak soit réglé dans le cadre de l’ONU. Le représentant permanent de la France auprès des Nations Unis a, de la même façon, expliqué les affrontements qui existent entre Américains et Européens sur la Cour pénale internationale.

Laure Fillon

Etudiante au Centre de Formation des Journalistes

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