Dossier Rencontres anuelles

L’état des lieux : qu’est-ce que la violence ?

Par Jean-Claude Guillebaud

Conférence donnée au cours de la session 2002 des Semaines Sociales de France, « La violence, Comment vivre ensemble ? »

Séance présidée par Jean Flory, président de la prévention routière, membres du conseil des Semaines Sociales de France.

JEAN-CLAUDE GUILLEBAUD, écrivain, journaliste, directeur littéraire au Seuil.

Pour aller tout de suite au vif du sujet, il m’a semblé que pour essayer de remplir cette tâche impossible que m’assignait Michel Camdessus, introduire une réflexion de trois jours sur un sujet aussi difficile et aussi complexe, je devais relever trois défis.

Ces trois défis peuvent se formuler sous la forme de trois questions, auxquelles évidemment je choisis de répondre  » oui  » :

première question, peut-on en ce moment précis parler avec calme d’un sujet aussi passionnel, aussi politisé, aussi chargé d’arrière-pensées, d’émotion, d’emportement et de crainte, autrement dit, était-il possible de s’affranchir des polémiques politiques, médiatiques, ou bien des tentations soit pour l’angélisme têtu, soit pour le catastrophisme inutile, pouvait-on retrouver un minimum de calme de l’esprit pour réfléchir à la violence ?

Le deuxième défi : pouvait-on proposer quelques idées claires, une problématisation, une mise en perspective sur un sujet pareil, aussi protéiforme, comme le disait Michel Camdessus tout à l’heure, puisqu’il englobe tout aussi bien les entreprises de Ben Laden que la violence faite aux pauvres, que la violence dans les cités, la pornographie à la télévision, ou la violence dans le couple ou dans la famille ? j’ai choisi de répondre  » oui « , à mes risques, en m’abritant il est vrai derrière une phrase assez connue, qui me rassure toujours, de Paul Valéry. Vous la connaissez probablement, Paul Valéry avait dit un jour :  » Ce qui est simple est toujours un peu faux, mais ce qui est compliqué est inutilisable « .

Et puis, troisième défi évidemment : pouvait-on et peut-on englober dans une même réflexion, qui ait un sens, ce qu’on pourrait appeler la violence du dedans, celle qui mine, qui ronge ou qui hante nos sociétés, la violence domestique, et puis la violence du dehors, c’est-à-dire celle qui a trait au nouvel état du monde et à la géopolitique ?

A ces trois questions, je vous le disais, j’ai choisi de répondre  » oui « , en assumant ce risque, parce qu’il m’a semblé, en effet, qu’on pouvait dégager un fil conducteur malgré tout. Pour essayer de respecter ce devoir de clarté que je me suis imposé, je vous propose de réfléchir à cette question de trois manières assez logiques, en disant quelques mots d’abord de l’évaluation qu’on peut faire de la violence, dont nous avons le sentiment aujourd’hui qu’elle nous assiège, quelques mots ensuite de la perception que nous avons de la violence sur le plan domestique, parce qu’il me semble que c’est là que se situent davantage les changements et puis, troisième entrée, si j’ose dire, en m’interrogeant sur les réponses qui, tant sur le plan international que sur le plan domestique, sont apportées aujourd’hui ou le seront demain.

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