Dossier Rencontres anuelles

Christianisme, lieu social et lien familial

Conférence donnée lors de la session 1995 des Semaines sociales de France, « Une idée neuve : la famille, lieu d’amour et lien social »

Xavier Lacroix, de l’Institut des sciences de la famille de l’Université catholique de Lyon

La notion de lien est tout à fait centrale en christianisme. Tel est déjà le cas pour toute religion si l’on se rappelle le sens étymologique de re-ligere, « re-lier », Elle l’est d’une manière spécifique pour le christianisme, religion de l’alliance. Il ne s’agit cependant pas pour celui-ci de sacraliser n’importe quel type de liens. Le christianisme est aussi religion de la personne et de la liberté. Dès l’origine, il s’est montré critique par rapport aux « religions naturelles », au nombre desquelles celle de la famille ou celle de la cité. Aussi le verrons-nous, en son inspiration centrale, qui est aussi prophétique, travailler à contre temps, comme à contre-courant, personnalisant des liens lorsqu’ils sont trop exclusivement sociaux mais invitant à socialiser ces mêmes liens lorsqu’ils sont oubliés ou menacés, au profit du culte de l’individu. Car la personne est plus que l’individu, tandis que le sens spirituel du lien, de l’être relié, ne se confond pas avec la suprématie du groupe.

Ces intuitions clés pourront être particulièrement bienvenues en un temps où l’idée de lien, tant familial que social, est devenue problématique. Les liens familiaux sont à la fois surinvestis et fragilisés. Plus généralement, être relié est à la fois valorisé et dévalorisé, fortement désiré mais couramment sacrifié, et de diverses manières, sur l’autel de l’épanouissement individuel, Une des hypothèses de cet exposé est qu’il y a une corrélation entre la fragilisation des liens familiaux et celle des liens sociaux. Le surinvestissement des premiers est aussi cause de leur fragilisation, correspondant au désinvestissement des seconds. Plus positivement, cela revient à émettre l’hypothèse d’une composante sociale des liens familiaux, plus précisément l’hypothèse que celle-ci relève pour une bonne part d’un sens de l’être relié à la fois plus large que les liens strictement charnels ou affectifs et moins anonyme que les liens collectifs. Ce sens est celui de l’appartenance communautaire.

Dans un tel contexte, l’inspiration chrétienne peut apporter sa contribution à ce que j’appellerai une consolidation libérante des liens familiaux aussi bien qu’à une meilleure interaction entre le familial et le social. Cela en critiquant ce que les liens, tant familiaux que sociaux, peuvent avoir d’enfermant, voire d’aliénant ; mais aussi en invitant à un dépassement des conceptions seulement associatives, contractuelles ou utilitaires (et par là même fragilisantes) de ces mêmes liens.

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