Dossier Rencontres anuelles

Énergie et climat : des certitudes du passé aux incertitudes

Conférence donnée au cours de la session 2007 des Semaines Sociales de France, « Vivre autrement pour un développement durable et solidaire ».

Par Jean-Marc Jancovici

JEAN-MARC JANCOVICI, polytechnicien, spécialiste du changement climatique et des questions énergétiques.

La crainte de ne pas « durer » est aussi ancienne que l’humanité. Je ne suis pas le premier à poser la question de la durabilité du système dans lequel nous vivons. Sans remonter aux Saintes Ecritures, Malthus déjà au XVIII a ouvert la réflexion sur le nombre de personnes que l’on peut faire vivre sur cette planète et dans quelles conditions. En 1972 paraît le fameux Rapport du Club de Rome, dont tout le monde a entendu parler mais que personne ou presque n’a vraiment lu. Son cas est d’ailleurs représentatif de la façon dont l’information scientifique et technique se diffuse aujourd’hui : énormément de gens entendent parler de ce qui fonde les débats sur l’avenir de notre espèce et sur la biosphère qui nous héberge, mais très peu prennent le temps d’aller à l’information primaire, pas même les journalistes ! Ayons donc bien à l’esprit ces deux données dans nos débats : l’accès à l’information scientifique très limité ; et la quasi-totalité des personnes, y compris les politiques ou les journalistes, qui en restent à ce dont ils ont entendu parler.

Il y a trente ans, le Club de Rome

Au moment de sa création en 1968, le Club de Rome regroupait une poignée d’hommes occupant des postes relativement importants dans leurs pays respectifs (un recteur d’université allemande, un directeur de l’OCDE, un vice-président d’Olivetti, un conseiller du gouvernement japonais…). Tous souhaitaient que la recherche s’empare du problème de l’évolution du monde pris dans sa globalité pour tenter de cerner les limites de la croissance. Ce n’est toutefois pas en 1968 que paraît le fameux « rapport », mais quelques années plus tard, en 1972, et ce ne sont pas les membres du Club de Rome qui l’ont rédigé, mais une équipe de chercheurs du Massachussetts Institute of Technology (MIT) constituée pour l’occasion à la demande du Club. Il serait donc plus juste d’appeler le document par son vrai nom : le rapport Meadows & al, paru en français sous le titre Halte à la croissance (mauvaise traduction du titre anglais : « the limits to growth »). Ce rapport est en réalité un document de synthèse présentant les principaux résultats du travail effectué. Les dynamiciens de système du MIT ont essayé, avec l’aide de l’informatique de l’époque, de mettre l’humanité en équations et d’élaborer un système rendant compte de l’évolution de notre système socio-éconmique de 1900 à 2100. Leur objectif était de comprendre ce qui se passait.

DIAPO 3 : Parmi les nombreux diagrammes qu’ils ont élaborés sur la base de différentes hypothèses, celui-ci montre l’évolution du monde de 1900 à 2100.

La première crainte de ces scientifiques portait sur le « pic » dans la production de ressources non renouvelables. La seconde, trente ans avant les travaux du GIEC, soulignait que si les ressources n’étaient pas « limitantes », le monde pourrait s’effondrer faute d’être capable d’épurer nos déchets. En prenant une hypothèse de ressources naturelles très abondantes, une autre simulation montrait que le système se détruisait alors par la pollution engendrée par la production de sous-produits liés à cette consommation des ressources naturelles.

Nous avons tendance à considérer que notre système va durer jusqu’au moment où les retraites seront sauvées et les Chinois vivront comme nous. Le point sur lequel le Club de Rome voulait nous alerter en 1972, c’est que, parce qu’il se nourrit de la dégradation du capital naturel et non de ses seuls intérêts, la logique tendancielle du système est son effondrement et non la croissance perpétuelle. Avec 35 ans de recul, j’accepte d’être à mon tour, dans le cadre des cette session des Semaines Sociales, le porteur de mauvaises nouvelles. Je ne vais pas vous parler de développement large et durable, mais avant de ce qui n’est pas durable : les ressources énergétiques et le climat.

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