Dossier Rencontres anuelles

Homélie – Session 2007

Par Monseigneur Daucourt

Homélie de la célébration qui a eu lieu lors de la session 2007 des Semaines Sociales de France, « Vivre autrement pour un développement durable et solidaire ».

Mgr DAUCOURT, évêque de Nanterre.

Certains disciples de Jésus admiraient la beauté du temple de Jérusalem.

Selon l’historien latin Tacite, ce temple était d’une richesse inouïe. « Les jours viendront, dit Jésus, où il n’en restera pas pierre sur pierre. Tout sera détruit. » « Quand cela se fera-t-il ? », demandent les auditeurs. Et cette question-là va demeurer parmi les premiers chrétiens. On y devine de la curiosité, mais en même temps de la peur et de l’espérance. C’est que les premiers chrétiens liaient la destruction du temple à l’imminence de la parousie, le retour glorieux du Christ venant instaurer définitivement le règne d’amour de Dieu son Père. Ce mélange paradoxal de curiosité, de peur et d’espérance n’exprime-t-il pas nos attitudes et nos sentiments et ceux de nos contemporains quand nous assaillent les redoutables questions que nous nous posons sur l’avenir de l’humanité et de notre planète ?

Et puisque Jésus n’a pas récusé la question, nous pouvons sans doute trouver dans sa réponse des éléments pour répondre à nos propres questions et pour donner aux travaux de ces Semaines Sociales la couleur, les fondements, le souffle qu’apporte la révélation chrétienne.

Il y aura bien l’incendie du temple le 30 août 70 et la chute de toute la ville un mois après. Mais ce ne sera pas tout de suite la fin, avait dit Jésus. La fin, c’est-à-dire l’accomplissement du plan de Dieu, Dieu tout en tous. Il y aura entre l’événement de la chute de Jérusalem et cet accomplissement le long temps de l’histoire, dans lequel nous sommes, le temps dans lequel d’ailleurs l’accomplissement -paradoxalement pourrait-on dire- se réalise chaque jour progressivement. Ce temps comprendra, nous dit encore le Christ, des événements pénibles pour l’humanité et de grandes épreuves pour les chrétiens. Voilà bientôt 2000 ans que dure ce temps et nous connaissons les épreuves de l’humanité et des chrétiens. Les disciples de Jésus seront même détestés de tous à cause de son nom. Alors ce qui préoccupe Jésus, c’est d’encourager les chrétiens à tenir le choc. Il les invite à se tourner vers lui et Dieu son Père avec deux maîtres mots : confiance et persévérance. On doit entendre : confiance, foi en Dieu et persévérance dans la mission que nous avons reçue.

Je pense que c’est à cause de leur foi en Dieu et parce qu’ils trouvent une source d’inspiration dans l’Evangile que les responsables des Semaines Sociales osent proposer à tous – et pas seulement aux chrétiens – de vivre autrement pour contribuer à un développement durable et solidaire. Et c’est à cause du Christ et de la puissance de sa résurrection dont l’Esprit nous fait bénéficier que nous pouvons, avec persévérance, dans la réflexion, dans la proposition et dans l’action, collaborer avec tous ceux qui reconnaissent que nous sommes tous responsables de cette terre dont nous ne sommes pas les propriétaires mais les gérants, comme la Bible nous l’enseigne.

Confiance en Dieu et persévérance dans notre mission : deux mots en forme de slogan ? Une formule pour saupoudrer de graves problèmes d’un peu de religion ? Pourquoi pas ? C’est votre affaire privée si vous avez besoin de ça ! Si vous avez besoin d’une petite messe pas trop longue le dimanche des Semaines Sociales, allez-y !…

Cette messe, chers amis, c’est la proclamation, l’actualisation, l’accueil de l’Alliance nouvelle et éternelle, celle que le Christ, dans son don total d’amour, a réalisée par sa mort et par sa résurrection. Elle est cette alliance que Dieu nous propose, celle qu’il nous faut inventer entre les peuples, celle qu’il nous faut déployer dans la création. Celle qui nous libère de nos peurs en nous donnant un surcroît de sens et la force de l’Esprit Saint. Cette Alliance induit aussi, puisque c’est une Alliance avec l’humanité, que chaque homme et tous les hommes sont le centre de toute décision. Ce n’est en aucun cas une alliance seulement entre nous, disciples du Christ. Nous sommes solidaires de tous, envoyés à tous. Le thème de ces Semaines Sociales est clair : vivre autrement pour un développement durable (on peut retrouver ici la persévérance) et solidaire. Dans l’Alliance du Christ, nous portons toute l’humanité d’aujourd’hui et de demain : c’est pour tous et avec tous que nous appelons à vivre autrement. Parce que nous vivons du sacrement de l’Alliance, nous nous engageons bien sûr nous-mêmes à vivre autrement, mais nous sommes solidaires entre nous, dans le corps tout entier de l’Eglise et avec tous. Nous sommes divers dans ce corps qui ose entraîner, avec la force du Christ, tout le corps de l’humanité. Nous participons à une conversion et à une reconversion, chacun à notre place, selon toutes nos possibilités. Nous ne sommes pas là pour condamner, pour désigner les coupables qui doivent payer parce qu’ils polluent. C’est trop facile. Nous sommes bien au-delà. Les transformations nécessaires appellent la participation de tous, pour un vivre autrement au quotidien. Mais il y a une exigence dans cette aventure : c’est la composante sociale, indispensable, indissociable. Des décisions et des comportements marquant l’opinion publique, provocant l’interrogation et nourrissant l’espérance sont nécessaires avec urgence et partout. On est en droit d’attendre, par exemple, que le patronat et les syndicats se fassent entendre davantage quand il est question de vivre autrement pour un développement durable et solidaire. Nous l’attendons en premier lieu de ceux qui, en leur sein, se reconnaissent disciples de Jésus-Christ. De même pour les politiques, et en particulier les politiques chrétiens, qui ont un pouvoir direct pour transformer nos réflexions et engagements individuels ou parcellaires en actions collectives.

Mais les responsables des communautés chrétiennes, et en particulier nous autres prêtres et évêques, nous avons à rappeler constamment la dimension sociale des engagements d’un « vivre autrement pour un développement durable et solidaire ». Cette dimension est intégrée dans l’Eucharistie, puisque l’union au Christ qui se réalise dans le sacrement nous ouvre aussi à une nouveauté dans les rapports sociaux. Je viens de citer une phrase de l’exhortation apostolique post-synodale sur le Sacrement de la charité. Il s’agit du dernier document important de Benoît XVI sur l’Eucharistie. Il l’a rédigé à partir des apports des évêques membres du synode et avec l’intention de développer certaines lignes fondamentales d’engagement, destinées à raviver dans l’Eglise un nouvel élan et une nouvelle ferveur eucharistiques. (N°5)

Le numéro 89 de ce document s’intitule Implications sociales du mystère eucharistique et le numéro 12 Sanctification du monde et sauvegarde de la création.

Voilà qui nous rappelle que notre messe, en ce dernier jour des Semaines Sociales 2007, n’est pas une évasion, ni une simple consolation, ni un ressourcement pour garder l’optimisme quant à l’avenir du monde. Nous disons ensemble en ce moment : Christ est ressuscité ! Par Lui, aucune situation n’est irréversible ni irrécupérable. Avec Lui, chaque homme et tous les hommes sont le centre de toute décision. Selon son Evangile, le développement durable, solidaire, vise toute la personne humaine dans toute sa vérité, qui est inextricablement liée à l’ensemble de la création matérielle dont l’homme est le gérant pour le bien de tous.

Oui, l’Eucharistie nous place toujours au cœur du monde. Nos combats, nos épreuves, nos doutes et nos espoirs ont partie liée avec elle. En elle, nous trouvons de quoi vivre le message de l’Evangile de ce jour : foi et constance, confiance et persévérance.

+ Gérard DAUCOURT

Evêque de Nanterre

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